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VN#26 Il était une fois dans l'Est

Graziella nous dépose sur la route de Saint-Julien, là où le soleil brille et les moteurs vrombissent. Après une semaine en Haute-Savoie, nous visons à présent le Jura, "de l'autre côté" de la Suisse ! Notre voyage en France requiert de contourner ce pays voisin... mais comme toujours, c'est la route qui a le dernier mot. Et elle en décide autrement. En effet, nos conducteurs libanais se trompent de sortie et s'engagent vers l'aéroport de Genève ! A la recherche d'un coin de verdure pour pique-niquer avec leur fille, ils ressortent heureusement vite de l'agglomération genevoise et nous déposent côté France, à Gex dans l'Ain, où se trouve le bien-nommé parc des Cèdres !

Accents franc-comtois

Nous nous plaçons ensuite sous le soleil écrasant de la route du Jura. A peine cinq minutes plus tard, une vitre se baisse : - "Où allez-vous ?" - Par là ! - Ça tombe bien, nous aussi ! Allez, montez !" Ce genre d'entame que l'on ne peut pas avoir avec n'importe qui. Coline et Pierre rentrent de week-end, ils sont tous les deux instituteurs et originaires de Franche-Comté. Avec eux, nous traversons le Jura de bas en haut et débarquons à Mouthe, le village où ils habitent, fameux pour ses températures négatives records. Après examen minutieux de la carte, nous constatons que nous sommes ressortis du Jura et dormirons de nouveau dans le Doubs, sept mois après avoir dormi chez Colette.

Coline et Pierre nous propose de marcher jusqu'à la source du Doubs et nous montrent les oiseaux qu'ils observent. Les échanges se prolongent toute la soirée. Notre voyage leur parle et ouvre des nouveaux possibles dans leur esprit. Eux avaient déjà la porte grande ouverte dans leur tête mais n'avaient jamais vu se présenter une occasion d'accueillir des personnes de passage. Le lendemain matin, Coline et Pierre partent travailler et nous laissent un petit mot fantastique : "merci de nous avoir auto-stoppés !" Après plusieurs semaines de route, nous ne sommes pas contre une journée blanche. Le soir nous retournons dans le Jura avec nos hôtes pour la répétition d'un groupe de fans de Georges Brassens dont Pierre fait partie depuis plus de 10 ans. Exceptionnellement ce soir, le repas est plus long que la répétition des chansons de l'auteur de "La mauvaise réputation". Demain notre route reprendra. Demain notre route reprendra, mais après l'orage. Après la grêle.

Une dernière embrassade avec Coline et Pierre, puis nos pouces reprennent du service.

Au Gray du vent

Un jeune intérimaire fait 20 kilomètres de plus pour nous avancer, puis nous rencontrons un anesthésiste travaillant en Suisse, un ancien fromager, une caissière travaillant en Suisse elle aussi, une femme dans la restauration, un vigile de boîte de nuit, le jeune directeur d'une entreprise de logistique et un couple de retraités nantais en vacances dans l'Est. Grâce à tout ce petit monde, nous traversons à nouveau le Jura, découvrons Dole puis en sortons, à pieds. Les kilomètres et les voitures s'enchaînent. La fatigue, elle, commence à se faire sentir.

Et puis Thérèse et Robert. Une voiture apparaît au détour du virage que nous apercevons à la sortie de Dole. Elle prend ensuite le temps de mettre son clignotant avant de s'arrêter derrière nous. Pierre-Elie accourt et la vitre se baisse : "nous allons à Gray !" dit-il. Nous cherchons en effet à passer entre Besançon et Dijon. "Nous aussi !" répondent en choeur les deux septuagénaires qui rentrent de balade. Ces rencontres commençant en douceur sont toujours très belles. Et c'est avec douceur que Thérèse et Robert sortent de la voiture pour faire de la place à l'arrière. Nous glissons nos sacs dans le coffre puis montons dans la voiture. Nous racontons notre voyage, Thérèse son métier de greffière et Robert celui de prof de maths et de musique. A Pesmes, il y a un nouveau contournement routier mais nos conducteurs font un détour pour nous montrer ce joli village où coule l'Ognon. Thérèse et Robert nous expliquent ensuite qu'ils ne vont pas pouvoir nous héberger car il n'y a pas de place chez eux. Comme souvent, nous rassurons nos conducteurs, leur assurant que nous trouvons tous les soirs où dormir et qu'ils ne doivent pas s'inquiéter. Mais c'est plus fort qu'eux, ils s'inquiètent pour nous. Enfin, ils nous expliquent le problème : "toutes nos chambres sont occupées ! Il y a le chat de race dans le salon, l'autre chat est dans une chambre. Ensuite, nous avons également des poules de race qui dorment à l'intérieur en hiver ! Et la dernière chambre est celle des canards "coureurs indiens"." Une vraie basse-cour de luxe à l'arrière d'une maison donnant sur la rue. Mais Thérèse et Robert cherchent des solutions. Ils ont vraiment envie de nous aider et réorganisent l'attribution des chambres pour nous faire une place. Finalement, nous arrivons chez eux. Le jardin en longueur où se trouvent les animaux ressemble à un havre de paix. Le salon n'est pas rangé, les placards sont vides. Thérèse s'excuse encore et encore. Nous découvrons l'univers de nos hôtes et nous les aidons à préparer cette soirée imprévue. Finalement le salon n'est pas si mal rangé que ça et il fera office de chambre pour nous cette nuit. Les placards, eux, ne sont pas si vides et nous dînons en célébrant une rencontre qui nous a tous surpris ! Notre carnet de voyage devient ensuite le principal sujet de discussion. Thérèse et Robert sont émerveillés. Thérèse : "des rencontres comme celle-ci, c'est à vivre au moins une fois dans sa vie ! Robert : " c'était imprévu mais qu'est-ce que c'était intense !" Et les adieux sont à la hauteur de la rencontre ! Émus et mus de bonnes intentions. Thérèse nous conduit même 25 kilomètres plus loin, sur la route de la Lorraine. Sur la route de nouvelles aventures !

Journée sans fin

Un jeune pâtissier nous fait voir Vesoul. Puis Mustafa et Arzü s'arrêtent avec deux places à côté de la machine à laver qu'ils ont faite réparer. Notre voyage les étonne beaucoup mais ils sont ravis d'apprendre qu'ils sont nos 650ème conducteurs ! Cela valait bien une petite photo ! Ils nous amènent ensuite jusqu'au lac des Sept Chevaux, un spot parfait pour pique-niquer et voir le ciel se noircir. A Luxeuil-les-Bains, les nuages sont notre épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Une coach sportive nous évite de justesse la traversée de la ville à pieds mais elle ne nous fait pas un cadeau en nous déposant sur une petite aire de repos du bord de la nationale menant à Nancy. Entre une fumante baraque à frites et deux employés de la DIR fauchant les bas-côtés munis de leur chasuble jaune fluo, nous nous sentons bien seuls. Ce spot ressemble plutôt à une geôle, avec une douche froide qui s'annonce venue d'en haut. Mais avant de baisser les bras, nous tentons le tout pour le tout et allons voir la seule voiture stationnée sur l'aire. Ô joie ! La femme au volant se rend à Epinal mais doit d'abord passer quelques coups de fil. Nous patientons dans le fossé. Elle nous rappelle et nous grimpons dans sa grosse berline noire. Notre conductrice est commerciale pour Samsung France et nous raconte ses allées et venues dans un grand quart nord-est du pays dans le but de vendre des produits électroménagers à des professionnels. Aux abords d'Epinal, elle nous laisse continuer vers Nancy. Trois gars rentrant d'une randonnée de plusieurs jours nous ouvrent leur porte et les odeurs qui vont avec. Ils sont originaires de Bordeaux et Tours, des villes que nous connaissons bien. En arrivant à Nancy, ils nous saluent et nous nous retrouvons dans Nancy plein de questions et vides d'énergie. Nous passons une heure dans le grand parc d'à côté à... ne rien faire. Parfois nous voyons quelqu'un à qui nous aurions bien demandé l'hébergement, mais nous n'avons pas l'énergie, ni l'un ni l'autre. Alors nous marchons au moins 45 minutes pour sortir de Nancy et expérimentons le relief de la ville...

A la sortie vers Metz, nous stoppons. Deux femmes nous amènent dans l'agglomération nancéienne. Nous sonnons à deux maisons dont une où un vieux monsieur nous refuse l'hébergement et l'autre où personne n'apparaît. Puis nous levons le pouce vers la campagne lorraine. Une femme nous pousse deux villages plus loin et coupe court au suspens : elle-même est hébergée en ce moment. Nous poireautons alors quarante minutes au même endroit, essuyant un autre refus dans le village. Et la fatigue nous prend tous les deux. Pour la première fois du voyage, nous envisageons d'utiliser une carte joker du type "appel à un ami". Nous faisons alors marche arrière et stoppons en direction de... Nancy ! Un pêcheur super dynamique nous ramène à Nancy, emballé par notre aventure, mais devinant que ce ne serait pas le cas de sa femme s'il nous ramenait à la maison ! Quand ça ne veut pas... A Nancy, notre ami Rudy nous met une chambre à disposition et nous nous écroulons de sommeil après avoir pris le temps de prendre une douche !

L'éloge du voyage lent... et de la pause Quand la fatigue se fait ressentir, il ne sert à rien de l'ignorer. Certes, nous avons tenté de laisser la route nous surprendre une nouvelle fois.

Certes, nous n'avons pas fait une seule demande dans la rue comme nous pensions pouvoir toujours faire en cas de besoin. Certes, certes... Mais après 2 mois de vadrouille non-stop ou presque, nous accusons un peu le coup. Le lendemain, nous demandons les coordonnées d'Anne et Jean-Marc, des cousins du côté de la mère d'Anouk habitant à côté de Nancy, histoire de ne pas repartir trop tôt sur la route. Nous passerons 3 jours à nous reposer, avancer sur le blog et la conférence, faire du vélo et même être invités au restaurant, le grand luxe !

"Osons la pause" pourrions-nous dire en paraphrasant Mouts et son livre de poésies et de photos. Le voyageur-réalisateur de Nus et Culottés nous avait d'ailleurs offert la fée "Pause", conçue en origami, lors de notre passage chez lui en octobre.

Pluie lorraine et ruissellement luxembourgeois

En repartant de Nancy, nous sommes à nouveau prêts à rencontrer de nouvelles personnes ! Et la route nous le rend bien car nos deuxièmes conducteurs du jour nous invitent à manger au chaud ! Jérôme est réparateur d'imprimantes industrielles et Bénédicte, comptable. Ils n'ont pas forcément l'habitude d'accueillir des gens chez eux, mais ce midi, ça s'est présenté comme une évidence. Nous partageons le pâté lorrain que nous avions dans nos bagages. Ils nous laissent leur numéro pour qu'on les rappelle ce soir, si nous étions en rade. Nous reprenons la route sous une petite pluie fine qui fait partie du décor ici. D'ailleurs tous nos conducteur ne comprennent pas pourquoi nous venons visiter la Lorraine à ce moment-là. Nous avons dépassé cette interrogation depuis longtemps et découvrons la France comme elle est 10 mois par an, parfois pluvieuse, parfois froide, parfois orageuse, etc. Nous découvrons la France et ses territoires jusqu'ici principalement inconnus pour nous. Et Saint-Avold en fait partie. Le papi de 85 ans qui nous y emmène se promène en voiture. C'est sa dernière liberté et nous la goûtons avec lui bien qu'il n'entende pas nos questions. A Saint-Avold, le temps n'invite pas à traîner, et nous nous plaçons sur la route menant à Metz. Un gros 4x4 s'arrête immédiatement. Thomas va vers Thionville et nous explique alors sa vie. Il travaille dans la finance au Luxembourg et fabrique aussi lui-même des produits d'entretien qu'il commercialise. Comme lors des marchés de producteurs organisés par la centrale nucléaire du coin. Notre voyage fait résonner en lui ces rêves que l'on enfouit car ils sortent un peu trop du cadre. Son rêve à lui ? Lancer sa boîte de produits d'entretien fait maison. "Mais il faut bien nourrir sa famille". Et pour l'instant, le Luxembourg est encore le meilleur moyen de faire rentrer l'argent. Quitte à faire quelque chose qui ne lui plaît pas.

Voyagez-Nous à la Metz dominicale A côté de Thionville, nous sommes au carrefour de quatre pays : la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la France. Remonter dans la campagne sans dépasser une frontière n'est pas chose aisée. Et au bout de trois quarts d'heure, finalement, nous nous déplaçons pour stopper vers le chef-lieu du département : Metz. Salah nous y emmène, il est ingénieur en informatique à Lille et a une mission sur Metz ce mois-ci. Il nous dépose près du centre-ville et nous nous lançons dans notre mission à nous : trouver l'hébergement ! Nos techniques se perfectionnent au fur et à mesure... Et cette fois, nous n'errons pas dans les rues mais nous choisissons un endroit passant où poser nos sacs. L'emplacement est bon et les premières demandes commencent. Pas de "one-shot" pour ce soir, certains s'en vont à la gare quand d'autres accueillent déjà des amis. Pierre-Elie essuie deux refus clairs et nets où les personnes ne répondent ni à ses "bonsoir" ni ne s'arrêtent pour l'écouter. Il faut repartir, se lancer à nouveau, et ce soir, il a assez d'énergie pour ça. Anouk aussi fait des demandes qui se concluent par des réponses négatives. Puis Pierre-Elie aborde une fille et lui explique notre besoin. Celle-ci connaît un couple d'amis qui fait aussi un tour de France en stop ! Mais chez elle, c'est trop petit, elle nous promet de demander à sa belle-soeur chez qui elle se rend justement, puis de nous envoyer un message. Nous assistons à une agression d'apparence gratuite d'un groupe de trois filles éméchées qui s'en prennent à un SDF lui aussi en état d'ébriété et trop faible pour se défendre. Puis elles repartent en le couvrant d'injures. La rue a encore beaucoup de secrets pour nous... Quelle attitude avoir quand tout se passe aussi vite ? Nous nous apprêtions à reprendre notre recherche lorsque deux gars et une fille viennent récupérer le vélo étalé par terre devant nous. Pierre-Elie présente notre voyage et demande l'hébergement. Le trio est réceptif mais prend le temps de la réflexion. Nous allons ensuite vers un couple de jeunes qui passait à côté. La fille est allemande et fait partie d'une coloc de 16 !! Son copain lui ne peut pas décider, mais il est motivé pour nous aider et tente alors d'avoir un des colocs au bout du fil. Mais il tombe sur leur messagerie. Le trio revient alors vers nous et nous dit "c'est bon, on vous invite !". Le copain de l'allemande, demande d'un air amusé "mais pourquoi on me pique toujours mes amis ?!" La scène est incroyable. Il nous donne son numéro pour le jour où nous passerions dans les Vosges, puis pose quelques questions sur le voyage à Anouk tandis que Pierre-Elie remercie nos nouveaux hôtes et commence les présentations ! Nous arrivons donc chez Quentin et Aline, couple franco-belge de "profs". Même si elle exerce dans une école Montessori et lui dans un grand cirque associatif de l'agglomération messine. Le lendemain matin, Quentin nous prête un vélo chacun et nous profitons alors d'une visite cyclable de la ville, des remparts jusqu'aux quartiers nouveaux en passant par la cathédrale, le temple et la gare.

Le soir, nous préparons une pizza avant leur retour et encourageons Aline à inviter les voisins du dessus pour partager la bière de l'amitié ! Décidément, les rencontres de la rue sont aussi belles que celles du stop, nous le répéterons désormais à l'envie : on croise de belles personnes sur un trottoir !

L'armée, le FBI et nous

Le lendemain, nous déjeunons avec Pauline, une ex-camarade de classe de Pierre-Elie à Sciences Po, qui travaille dans une association menant des projets d'accompagnement scolaire, de citoyenneté et de solidarité. Puis nous marchons jusqu'au spot, et avançons d'un kilomètre grâce à un Luxembourgeois venu visiter sa femme au CHU. Ensuite, c'est Marc, un jeune militaire qui nous embarque dans sa petite voiture. La grande muette ne lui a pas encore cloué le bec. Nous en apprenons un rayon sur les premiers pas d'un jeune engagé, l'intégration et la formation. "La démocratie s'arrête à la porte du régiment" nous précise-t-il en nous présentant le fonctionnement hiérarchique. Un engagement total qui le passionne et dont il rêve depuis qu'il joue aux jeux de guerre sur console. Sur le parking du KFC de Sarrebourg, nous le saluons. Quelques centaines de mètre plus loin, nous levons le pouce en direction de l'Alsace. Une voiture s'arrête en dérapant, et vous connaissez la suite : les boules de feu, la Bible et le FBI.


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