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VN#29 "Ils lèvent le pouce comme "copains" !"

Nous sommes tout chamboulés ! Notre spot de stop préféré de Bordeaux s'est fait engloutir par l'aménagement urbain titanesque en cours derrière la gare Saint Jean... Et c'est sous un ciel de plus en plus menaçant que nous tendons le pouce dans un tourbillon de poussière dû aux travaux . Sur le point de craquer après quelques heures d'attente, un fourgon s'extrait enfin de ce torrent de voitures pour nous prendre : il va à côté d'Agen ! Nous essuyons avec lui un orage mémorable bien au sec dans son véhicule... OUF ! C'est déjà la fin d'après-midi lorsque nous stoppons à nouveau dans son petit village lot-et-garonnais. Alexandra est de bonne humeur, elle fait même demi-tour pour venir à notre rencontre et nous embarque jusqu'à chez elle. "Il va halluciner mon chéri quand je vais lui dire que j'ai pris des gens en stop, moi qui suis si trouillarde d'habitude...!" Avec Sébastien, ils viennent d'acheter une maison à la frontière entre le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne, à quelques kilomètres des racines familiales de monsieur. Ce soir, nous dormirons dans le petit chalet au fond du jardin ! A l'apéro, Séb nous raconte ses déceptions professionnelles à cause de collègues froids et mesquins, d'une boîte qui l'exploite et d'un métier de commercial en peinture industrielle dont il a fait le tour : c'est décidé, il démissionne jeudi ! Au dîner, nous partageons l'émotion d'Alexandra qui voit pour la dernière fois ses élèves de primaire le lendemain, en partance pour une nouvelle école. Enfin, ils nous partagent leurs questionnements sur des projets de voyages, de travaux et d'enfants.

Le lendemain lorsque Seb part au travail, il nous dépose sur la route vers le Tarn-et-Garonne. Nous rencontrons successivement le pharmacien du village d'à côté puis une mère et sa fille avec une copine de bac pro esthéticienne qui vont faire du shopping à Toulouse et nous déposent à Moissac. Il est encore tôt et nous décidons d'aller découvrir la ville. Les petites rues tortueuses, la belle église, et puis... le siège de Rezo-pouce ! Nous ne pouvons nous empêcher d'aller saluer ces amis du pouce ! Rézo-pouce est une association qui travaille en partenariat avec les municipalités pour développer le stop comme une alternative aux transports dans les zones mal desservies. Des spots sont aménagés et identifiés, à l'aide de visuels, les automobilistes sont mis en confiance très rapidement. Dans notre voyage, ce dispositif nous sert lorsque les spots correspondent à notre direction, et en général il y a de la place pour que les voitures s'arrêtent ! Mais dans notre cas, nous ne savons jamais où nous allons et n'affichons donc pas de panneau de destination. Rézo-pouce permet avant tout à certaines personnes d'aller au-delà de leurs peurs qu'ils ou elles soient autostoppeurs/euses ou automobilistes ! Marine, une des employées que nous rencontrons au bureau, nous propose de rester dormir chez elle ce soir ! Nous en profitons alors pour aller aborder des pèlerins de Compostelle assez nombreux dans cette ville-étape. Nous rencontrons deux étudiantes qui viennent de marcher 5 jours et s'apprêtent à repartir en stop. Une expérience qu'elles recommenceront dès qu'elles pourront !

Nous nous installons au bord de la rivière pour manger mais lorsque nous ouvrons la boîte à miam-miam, l'odeur qui s'en dégage est loin d'être celle attendue ! Nos restes ont tourné... Pierre-Elie se fait une raison et grignote quelques autres restes, mais Anouk ne l'entend pas de cette oreille et a repéré une grande surface, ni une ni deux, elle s'y rend ! Sur le voyage elle a appris que lorsque son ventre parle, tout est possible. L'accueil du vendeur est plutôt chaleureux et il s'intéresse beaucoup à notre voyage. Le patron arrive à son tour et demande :

"- Avez-vous de quoi cuisiner avec vous ?

- Oui, lorsque nous sommes chez l'habitant."

Il s'en va dans la réserve et revient avec un saucisson et deux énormes travers de porc sous-vide ! Il fait sortir Anouk par la porte de derrière et au moment où elle allait partir, il pose la question :

"- Mais vous avez quand même de quoi manger ce midi ?

- Non pas vraiment...

- Bon attendez !"

Il revient les bras chargés de mets : melon, tomates, pain, fruits, etc. ! Anouk est absolument heureuse, elle a les yeux remplis de larme de joie sous la montagne de victuaille qu'elle tient fermement dans ses bras. Après ce repas de rois, nous repérons une épicerie bio dans laquelle nous faisons également le plein d'invendus. Il y a largement de quoi préparer un bon repas pour nos hôtes ! Au retour d'une balade au belvédère, nous rencontrons le petit garçon de Marine, Marius, qui a 4 ans et bouillonne d'énergie ! Elle nous raconte qu'entre elle et lui ça n'a pas toujours été aussi simple que maintenant, notamment à cause de sa séparation et de son métier de restauratrice dans laquelle elle employait tout son temps. Son déménagement à Moissac avait pour but de la porter vers le positif, dans une ville où elle ressent une énergie particulièrement forte. Elle y a immédiatement trouvé son travail à Rezo-pouce dans lequel elle s'investit pleinement.

Nous quittons Moissac à la découverte du Tarn-et-Garonne mais, 14 kilomètres plus loin, à Lafrançaise, notre curiosité est attirée par deux roulottes posées au milieu de la place centrale. Autour d'elles, poules, poussins, chats, chiens et même une chèvre vaquent à leurs occupations. Nous abordons Monica qui, avec une amie à elle vont faire un spectacle de théâtre, clown, acrobatie, marionnette, autour du thème du voyage lent... il faut absolument que l'on vienne ! C'est à 19 heures, nous avons le temps... Mais après avoir vadrouillé toute l'après-midi et même fait un petit coucou à l'oncle de Pierre-Elie qui habite à côté, nous décidons de rentrer par les départementales pour rejoindre le spectacle. Mais la route en a décidé autrement : la route est déserte, et lorsqu'une voiture passe nous n'existons pas à ses yeux ! Nous marchons et peinons à avancer de kilomètres en kilomètres nous voyons l'heure défiler et notre déception grandir. Lorsque nous arrivons au spectacle, il vient de se terminer ! Nous nous promettons de revenir les voir plus tard dans l'été car elles tournent jusqu'à fin août. Tout le monde est enchanté, une petite fille dit à son papa :

"Trop tard ! Ils ont loupé le spectacle !"

Puis elle part en courant caresser les chatons de la roulotte. Nous engageons la conversation avec le papa puis avec la maman : Cyril et Anne. Ils nous invitent à dîner chez eux. Titouan, leur fils est fasciné par le voyage et nous pose beaucoup de questions. Lili, 4 ans demande des explications à sa maman puis conclue :

"Ah oui moi je sais pourquoi on les invite, parce qu'à l'école pouce en l'air ça veut dire "copain" et pouce en bas "pas copain", comme ils font ça [du stop avec le pouce en l'air], ce sont des copains !"

Nous devenons tout de suite très proches de la famille, nous enchaînons les partis de 1 2 3 soleil dans le couloir, puis cache-cache puis à cheval sur mon dos, etc. Le lendemain nous pique-niquons avec eux c'est un vrai repas de famille !

Nous repartons direction l'Ariège ! Nous prenons les petites routes qui nous font voir du pays. Et même si les voitures sont rares, elles s'arrêtent facilement, et puis nous avons le temps (pas de spectacle à 19 heures...), le temps de contempler les champs, les forêts et les petites âmes discrètes qui s'activent dans le village où nous auto-stoppons. Soudain, sur un panneau nous voyons indiqué : Samatan et Lombez ! Oui, nous sommes juste à côté de Simorre le fameux village où nous sommes restés 2 semaines et encore plus près de chez Lélie et Max nos hôtes philanthropes et passionnés de babyfoot.

Nous décidons de nous arrêter chez eux pour la nuit et comme "d'habitude", ils ont plein de copains à la maison, c'est le week-end ! Nous arrivons en Ariège grâce à deux copines qui rentrent de Bretagne, et avec elles nous roulons sous l'imposante grotte du Mas d'Azil. C'est une ancienne rivière qui a creusé ce tunnel naturel titanesque et majestueux. Ensuite, c'est le ciel qui décide pour nous, côté Saint-Girons, un orage se prépare, nous prenons donc la route de Foix. Charline s'arrête alors à notre hauteur et nous invite presque aussitôt chez elle. Ses enfants sont en vacances, elle nous laisse donc la chambre de sa fille. Elle est secrétaire dans une entreprise d'agroalimentaire mais elle n'aime pas vraiment ce qu'elle fait. Son truc, c'est les chambres d'hôte. Et elle se passionne également pour la reconstitution celtique et fait du tissage en plaquette, c'est la première forme de tissage qui a existé. Lorsque nous repartons nous sommes comme ses enfants et elle nous prépare un énorme pique-nique et une petite carte aux doux mots pour bien commencer notre journée.

Charline nous conduit jusqu'à Foix, où nous nous imprégnons de la quiétude ariégoise avant de tomber par hasard sur le festival Résistance(s) où nous pouvons écouter quelques conférences très intéressantes et rencontrer des militants de toute l'Europe. Pour midi, nous nous mettons en quête d'un beau paysage pour casser la croûte.

Camille se rend à Ussat, sur un site de location de canoë où travaille son mari, un spot idéal pour pique-niquer ! Lorsque nous arrivons, Pierre, un des collègues a pêché une énorme truite et nous propose de nous joindre au festin, nous rajoutons les quelques tomates de Charline et dégustons tout cela avec tous les employés, au bord de la rivière.

"- Si vous voulez dormir chez nous ce soir c'est possible ! En plus j'ai plein d'occupations à vous proposer : finir l'enduit de la maison et ramasser les cassis du jardin !"

Super ! Nous sommes enchantés de pouvoir mettre la main à la pâte ! Camille nous offre un pot de confiture. Elle nous confie qu'elle est très contente de pouvoir nous héberger et qu'elle espère que cela pourra apporter un peu d'ouverture d'esprit à son entourage : son mari, ses enfants, les collègues de la location de kayak et même sa belle-mère à qui elle nous présente !

Nous prenons alors la route pour le sud avec cette question dans notre tête : Corse ou pas Corse ?

Un père et son fils en partance pour la mer nous sortent de l'Ariège. Puis une jeune femme nous amène jusqu'à Narbonne. Elle aussi a voyagé : pendant six mois, elle a sillonné l'Amérique Latine seule, puis avec son copain qu'elle a rencontré là-bas, alors qu'il voyageait aussi. De retour en France pour voir son père, mais prêts à repartir pour d'autres continents, ils apprennent qu'elle est enceinte et décident finalement de rester. Une petite fille qui pour l'instant remplit sa vie. Elle nous raconte à quel point cette expérience d'être maman est une expérience "extrême, autant pour le corps que pour les émotions", elle rajoute "même lorsque l'on a vécu le plus grand amour pour quelqu'un, ce n'est rien par rapport à l'amour que l'on porte à son enfant".

Quelques minutes après avoir quitté cette voiture de jeune maman, nous rencontrons Marie au péage de Narbonne. Marie c'est un rayon de soleil à elle toute seule. Elle devient immédiatement fan du voyage, de la confiance en la vie et du lâcher-prise qu'il nous demande. Prof dans une grande école de commerce à Paris, elle adorait son métier mais pas la vie parisienne étouffante, pressante, oppressante. Cette vie qui a fait défiler les années sans qu'elle puisse croquer la vie à pleines dents. Elle s'était promis que lorsque ses filles partiraient de la maison, elle aussi s'envolerait pour une vie plus douce. Il y a un an, et après avoir subitement perdu ses parents, elle a enfin osé franchir le pas. Ses collègues lui disaient qu'elle était folle de faire ça, qu'elle le regretterait, mais Marie avait une force de vie en elle assez grande pour surmonter tout cela, et elle est descendue dans le sud, dans l'Hérault précisément, près d'une de ses cousines qui lui dégotte au dernier moment une location dans un domaine avec piscine ! Le rêve pour elle ! Depuis deux mois, elle dévore chaque instant, ce sont ses collègues qui viennent la voir pour décompresser et elle est très heureuse de les accueillir dans le sud !

"- Tant que l'on projette du positif autour de nous, il ne nous revient que du positif. Hier j'ai vu un petit jeune faire du stop et je ne me suis pas arrêtée, je l'ai regretté toute la journée. Je me suis dit "ça c'est ta vie d'avant Marie, maintenant tu n'as plus peur, tu n'es plus seule dans ta bulle". Maintenant je veux être ouverte à ce qui arrive. "Alors quand je vous ai vus, je n'ai pas hésité ! Et je trouve ça GEANT ce que vous faites franchement !"

Chez elle, nous sommes priés de faire comme chez nous ! Sur un petit nuage de bonheur entre la piscine, les cigales et même les demi-finales de la Coupe du monde de foot ! Nous rencontrons les propriétaires très sympathiques qui habitent à côté de chez elle et jouons avec leurs enfants Abigaïl (4 ans) et Loris (8 ans). Marie nous emmène visiter Pézenas, la fameuse ville de Molière, à bord de sa décapotable : bienvenue dans le Sud !

Cette douche de confiance et d'ondes positives nous met dans les meilleures conditions pour la suite des aventures à savoir : chercher un moyen de rallier la Corse !


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