Ce dimanche 12 novembre, nous repartons de Verdun où Marie-Thérèse nous a hébergés le temps de visiter les lieux marqués d'Histoire. A présent, notre objectif est de remonter vers le nord. Le premier à s'arrêter s'appelle Rick, il est Belge et rentre chez lui après plusieurs jours de randonnée. Il nous propose de faire étape avec lui à Orval, où se tient une abbaye bien connue pour la fabrication de la bière et du fromage. Nous dépassons donc la frontière pour la première fois ! Nous l'aidons à transporter les cartons qu'il achète là-bas, puis il nous offre une soupe et nous redépose en France avant que nos chemins se séparent.
Après cette super chouette rencontre, on peut dire que c'est le début de la galère. Mais pour l'instant on n'en a pas encore vraiment conscience !
Nous attendons assez longuement sans réel retour de la part des conducteurs. Soudain deux voitures s'arrêtent, mais ce n'est pas celles que nous attendions : c'est la douane... "Bonjour, d'où arrivez-vous, que faites-vous ? Avez-vous du shit ou de la beuh sur vous ?". Nous vidons nos poches remplies de mouchoirs, sachets de thé et autres déchets ! Ils palpent Pierre-Elie, mais pas moi, ni les sacs. L'inconvénient de ne pas se raser tous les jours peut-être !! Mais le pire dans tout ça, c'est qu'ils s'installent ensuite 30 mètres avant nous ! Concurrence totalement déloyale ! On était là avant ! Et même s'ils essayent de convaincre les voitures qu'ils arrêtent de nous prendre, les conducteurs sont tellement stressés qu'ils détallent devant nous... Au bout d'une demi-heure ils prennent pitié de nous et s'en vont, joyeusement remplacés par la grêle ! Nous mettons alors en place notre technique de combat : chacun se poste dans une direction différente ! Évidemment, comme à chaque fois, c'est moi qui gagne. La vitre se baisse, c'est un couple, il vont quelques kilomètres plus loin. J’appelle Pierre-Elie. Le monsieur soudain s'écrie : "ah non mais vous êtes deux ! Nous on prend que toi ! Pas le garçon !", sa femme me regarde dans les yeux et tempère "vous n'êtes que deux ? allez, montez". Je vous dis pas la grosse ambiance .... Ils nous larguent absolument au milieu de la campagne, mais au moins il fait beau ! Deux voitures plus loin, nous rejoignons enfin un axe passant, à Stenay. Une dame qui avait besoin de parler nous prend en stop, elle habite à Givet dans les Ardennes et passe par la Belgique. Nous discutons beaucoup mais au fur et à mesure, on commence à sentir qu'elle n'a pas envie de nous amener jusqu'à chez elle, peut-être justement qu'elle nous en a trop dit sur elle. Nous voici en Belgique, sur une route à 90km/h, absolument et désespérément toute droite, de nuit, avec quelques lampadaires. Niveau spot de stop on est proche de l'enfer. Mais bon, il faut avancer, on est motivés, on continue ! de toute façon... comment dire... il n'y a pas le choix ! On sort la grosse artillerie : gilet jaune, lumière clignotante sur le front. Et puis par miracle, une voiture s'arrête quand même ! C'est une Belge qui fait un détour pour nous ramener en France près de Sedan.
Il fait nuit, et la journée n'est pas finie : nous arrivons sur la place centrale de Charleville-Mézières. C'est dimanche, les commerces sont fermés et nous ne voulons pas nous éterniser ici... Nous marchons vers la sortie de la ville, puis une voiture nous emmène dans un village un peu plus loin. Il est 21 heures, je tente de toquer à deux portes. La seconde porte s'ouvre, j'explique à une jeune femme mais elle me dit "je suis vraiment désolée mais avec tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend, je ne peux pas prendre ce risque, j'ai des enfants". J'ai envie de lui dire "mais nous tout ce qu'on voit et tout ce qu'on entend, ce sont des gens généreux, qui ont envie d'aider, qui essaient dans leur vie de faire du bien autour d'eux ! Peut-on vraiment se laisser guider notre vie par la peur ? La peur de l'autre, la peur en général qui est véhiculée dans les médias ? Mais je ne l'ai pas dit, recevoir la peur des gens en pleine figure, ça coupe l'herbe sous le pied. Mais nous sommes deux, et à deux, on est plus fort, et notre moral est toujours là, notre confiance résiste ! Finalement, un homme s'arrête, il va à Valenciennes, à deux heures d'ici, nous montons. Adieu les Ardennes ! Nous comprenons rapidement qu'il va dormir à l'hôtel et qu'il va falloir redoubler d'ingéniosité pour trouver l'hébergement en ville, un dimanche soir sous la pluie. Une fois dans le centre, nous demandons aux rares personnes que nous croisons s'ils connaissent des gens qui pourraient nous héberger pour la nuit. Nous rencontrons deux jeunes qui sont prêts à nous aider. Maxime et Mélanie parlent d'envoyer un message à leur promo puis finalement nous invitent chez eux, dans une colocation ! Ce soir encore nous aurons un toit, et dormirons au chaud. Nous sommes épuisés mais ravis ! Le lendemain matin, ces étudiants en cinéma d'animation nous offrent des croissants et nous reprenons la route.
Nous décidons de passer par les route de campagne pour découvrir un peu le Nord. Mauvaise idée ! Les villes et villages sont tellement rapprochés les uns des autres qu'il s'avère très compliqué de faire du stop ! Nous marchons jusqu'à la sortie du village et c'est l'entrée de la ville d'après ! Nous faisons quelques kilomètres en stop par-ci par-là jusqu'à la nuit tombée. Finalement une conductrice nous propose un hébergement très original dont nous ne pourrons pas vous parler ici (ce n'est pas la mairie !). Au chaud et en sécurité, nous récupérons de cette journée très physique !
Le lendemain nous reprenons la route avant le lever du soleil ! Et nous assistons au chassé-croisé encore les couche-tard et les lève-tôt ! Nous réussissons à rejoindre les grand axes. L'objectif de la journée, c'est d'aller voir la mer ! Une prof de gestion très motivée par notre projet nous dépose à Abbeville. Nous faisons quelques magasins pour trouver notre repas du midi ! Et ça marche super bien ! Pâté, sandwiches, Kiri, yaourts, surimis rillettes, un festin ! Une boulangère nous offre même le pain et deux viennoiseries ! L'après-midi nous atteignons la mer et visitons la Baie de Somme.
Après une journée de 12h de stop, la nuit est tombée lorsque François et Victor s'arrêtent sur la route de Dieppe. A Criel-sur-Mer, où ils s'arrêtent, François nous dit : "vous voulez aller à Dieppe alors ?"; Avec Pierre-Elie nous nous regardons et on pense "non, pas du tout..." et François en voyant nos têtes nous dit "vous voulez venir dormir à la maison ?" "oui !!! Avec grand plaisir !!!". nous sommes trop heureux !! Nous rencontrons Béatrice la maman et Charlotte la fille de 11 ans passionnée de chevaux. Victor et Charlotte nous posent plein de questions, c'est génial car il est plutôt rare que les enfants de nos hôtes soient si naturels avec nous. Nous nous sentons véritablement intégrés à la famille. François nous montre comment faire les mouches pour la pêche avec des plumes et des poils de gibier. Nous nous baladons et profitons du bord de mer. Quelle belle rencontre et apaisement après ces jours plus fatigants !
Malgré les supplications de Charlotte nous reprenons la route deux jours plus tard. Nous commençons le stop très tôt le matin, passons par Rouen puis traversons la campagne sur la route de l'Oise. Plutôt que Beauvais, nous visons Gerberoy, un "plus beau village de France" que nous découvrons à pieds. Au moment de stopper pour continuer la route, un quad s'arrête à la hauteur de Pierre-Elie. Très simplement, il nous propose de nous héberger et change tous ses plans de l'après-midi ! Davies revient quelques minutes plus tard avec sa voiture et nous emmène visiter Beauvais ! Il est ouvrier de nuit et travaille aussi à la ferme de ses parents. Ce soir c'est fondue et télé !
On est vendredi, et Julie nous dépose à 7 heures du matin sur une route qui nous arrange. Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, nous avons un lieu d'arrivée précis : nous sommes attendus à Lille chez Jeanne, une amie commune, et Guillaume son copain. Nous attendons donc à un rond-point que le jour se lève un peu. Puis Dominique, retraitée hyper-active, nous embarque pour Montdidier ! Elle nous invite à prendre un (second) petit déjeuner chez elle et nous lui racontons notre voyage. Puis nous visons Roye où se trouve une entrée d'autoroute pour Lille. Nous attendons 45 minutes dans la ville, pourtant placés dans la bonne direction, mais aujourd'hui plus que jamais, nous avons tout notre temps ! Finalement un monsieur s'arrête, il va travailler à Roye et nous dépose au péage. Une petite pluie fine accompagne notre attente et les voitures qui s'arrêtent pour nous demander notre direction. Nous refusons Paris, Compiègne puis encore Paris et c'est finalement une quatrième voiture qui s'arrête et qui va à Lille ! Ludovic travaille dans l'immobilier et les affaires en général. Il a le contact facile et un rapport à l'argent plutôt détaché même s'il sait que son univers nous est totalement inconnu ! Il nous montre des photos d'amis plein aux as tout en répétant qu'il se fait chier dans sa vie... La rencontre est magnifique tant Ludovic nous touche par sa sincérité. C'est même Pierre-Elie qui prendra le volant sur une aire d'autoroute tant la confiance s'installe, et nous nous auto-déposons devant chez Jeanne à côté de Lille ! Après cette belle matinée de stop, nous comptons nous reposer quelques jours ici afin de préparer notre voyage filmé que nous avons prévu de débuter le 25 novembre.