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Les boules Quiès, le FBI et nous.

15 mai

14h50 : nous sommes postés à la sortie de Metz, direction l'Alsace ! 15h00 : Marc s'arrête, après un examen à l'hôpital, il retourne à la base militaire qu'il a intégrée il y a 4 mois. 16h05 : il nous dépose à Sarrebourg. 16h20 : une voiture prend la direction de la voie rapide et s'arrête en dérapant. La conductrice ne va pas loin mais nous assure qu'on sera mieux placés.

16h21 : "Je roule vite, vous n'avez pas peur ?" Pierre-Elie : "tant qu'on arrive vivants, ça va."

16h25 : Karine* nous propose de dormir chez elle pour qu'on se repose.

16h35 : elle nous donne 20€ chacun pour qu'on aille s'acheter ce qu'on veut au supermarché pendant qu'elle se rend à la pharmacie. Nous ressortons avec un tube de dentifrice et trois paquets de gâteaux et lui rendons la monnaie.

16h50 : nous repartons vers chez elle, toujours avec France Inter à fond. Nous en apprenons davantage sur elle. "J'ai perdu un fils à 23ans, d'une overdose, dans la maison". "J'oeuvre pour la paix en envoyant des messages à travers les ondes. France Inter, ce sont mes collègues !". "Vous verrez chez moi, c'est grand mais il n'y a pas de tapisserie au mur et pas de meuble, je m'encombre pas au quotidien." "Je suis bipolaire". 17h15 : nous arrivons chez elle. La télé et deux radios crachent leurs décibels. Nous sommes sur nos gardes afin de jauger la situation. 17h20 : effectivement, pas de tapisserie et la sensation que le chantier n'a jamais été terminé.

17h25 : elle prépare un grand goûter et une citronnade maison. 17h30 : Karine nous explique qu'elle parle aux murs, aux morts et aux voix des radios/télé. "Par contre, j'allume la musique en pleine nuit, j'espère que ça vous dérange pas !" 17h35 : "Si vous voyez des boules de feu ou des nuages passer, ne vous inquiétez pas, c'est normal, ça arrive souvent". Pierre-Elie : "tu penses que nous aussi on peut les voir ? J'en n'ai jamais vu moi." - "Oui bien sûr !"

17h40 : comme elle nous l'avait expliqué dans la voiture, elle nous montre qu'elle "maîtrise l'électricité, l'eau et le feu" en léchant les prises de tous ses appareils électroniques avant de les brancher. Puis elle humidifie son ordinateur qui ne veut pas s'allumer : "ne sois pas timide, c'est Anouk et Pierre-Elie, ils sont gentils et ils vont dormir là ce soir !"

17h50 : Karine "a du travail" et nous partons nous balader. 17h50-19 heures : nous marchons dans le village et près du canal. La discussion est intense. Anouk : "On part ! Elle est folle !" "Son univers me fait trop peur !" "Elle a le regard droit, trop stable !" "J'ai l'impression d'être parano, quand elle range ses ciseaux, je suis à l'affût." "J'ai pas envie d'y retourner." "On appelle Nans pour savoir ce qu'il en pense ?" Pierre-Elie : "Moi je nous sens pas en danger." "C'est juste pour une soirée, on sait qu'on repart demain matin, puisqu'on va chez Catherine, la fille de Colette, au sud de Vesoul." "On peut pas toujours être chez des profs." "C'est son univers, mais toi tu dois rester à distance pour pas te faire happer, faut que tu fasses des trucs qui te permettent de rester dans ton univers à toi." "Je suis prêt à être plus présent dans cette rencontre pour que tu passes la soirée la moins mauvaise possible." Anouk : "Mon instinct me dit qu'il faut pas y aller mais j'ai pas l'impression que ça craigne pour notre sécurité physique, donc on peut prendre ce risque, pour découvrir un nouvel univers !" Pierre-Elie : "Ok on fait comme ça mais on a qu'à dire qu'au premier signe de violence chez elle, on s'en va !"

19h00 : retour à la maison. Le volume sonore couvre notre entrée. Anouk va pour rendre les clés mais Karine lui dit de les garder si nous avions envie de ressortir ce soir.

19h05 : nous sortons lire au fond du jardin, loin du bruit.

19h15 : Karine nous apporte une petite table, une nappe et nos tasses de citronnade. 19h30 : Pierre-Elie rentre faire la vaisselle. 19h40 : Karine lui demande s'il connaît "La Bible", en posant le livre sur la table. Pierre-Elie acquiesce, elle lui lit un passage, puis lui explique qu'elle a commencé à corriger ce livre car elle n'était pas d'accord avec certains passages. "Ensuite je vais corriger le Coran". 19h50 : Karine et Pierre-Elie commencent à faire à manger. Elle lui apprend à faire une mayonnaise. Puis ils préparent un filet de loup au bouillon.

20h20 : "si tu penses qu'Anouk est bien là-bas, à lire son livre, on n'a qu'à ne pas lui dire qu'on mange, et elle peut terminer tranquille ?" - "Je pense qu'elle sera plus intéressée par le repas que par la lecture..!"

20h45 : nous commençons à dîner. Nous discutons avec elle. "Je connais tout le monde au village, mais depuis mon séjour en hôpital psychiatrique en 2011, plus personne ne vient me parler. A part une nièce, qui est "folle", elle aussi." "Vous voulez ma voiture pour aller à Vesoul demain ?" - "Non, c'est gentil mais on va faire du stop, comme toujours !"

21h15 : "bon, les jeunes, bonne nuit ! Je vais monter travailler. Ne touchez plus à l'électricité, je laisse certaines lampes allumées, c'est normal. Fermez juste le volet de la terrasse en rentrant." 21h20 : Anouk : "Bon ça va je me sens mieux depuis la balade, mais vivement demain !" Pierre-Elie "Oui, on a de la route demain, il faudrait qu'on parte à 9 heures au plus tard."

22h00 : nous étudions la carte pour le lendemain et parlons de notre table-ronde à Hit The Road ce week-end.

22h50 : Pierre-Elie prend des nouvelles de son frère Grégoire au téléphone. 23h45 : Anouk enfile ses boules Quiès pour contrer CNews, allumée en bas.

16 mai

01h30 : Pierre-Elie, oreiller SUR la tête, connaît le journal de la nuit par coeur.

02h10 : irruption de Karine dans notre chambre : "Levez-vous ! Habillez-vous ! Faut qu'on monte au grenier, je fais partie du FBI et ils veulent me tuer ! Dépêchez-vous !" 02h11 : Anouk enlève ses boules Quiès et saute sur son sac. 02h12 : Pierre-Elie commence son sac. 02h13 : Anouk négocie notre départ de la maison avec une Karine paniquée : - "Non, laissez toutes vos affaires, faut qu'on monte au grenier !" - "Non, on va sortir, ils nous connaissent pas, t'inquiète". - "Mais ils vont vous tuer, faut qu'on aille au grenier !" - "T'inquiète, le FBI nous connaît pas, on va discuter avec eux, ils nous laisseront sortir !"

- "Ok, allez-y on fait comme ça !" 02h14 : on saute dans nos chaussures mais on trouve la porte fermée avec une mauvaise clef dans la serrure. Heureusement, le double était resté à proximité.

02h15 : nous avançons à grands pas sur le trottoir, les lacets encore défaits, pressés de quitter la rue. 02h30 : nous quittons le village à pieds dans la douce nuit mosellane.

Dernier lampadaire avant d'entamer la marche nocturne en bord de route...

03h40 : arrivée au village d'après.

04h15 : nous questionnons le conducteur de la voiture qui démarre dans la rue, mais il ne va pas dans notre direction.

04h40 : un 4x4 blanc dans notre sens trace sa route.

04h42 : une voiture noire dans notre sens, mais elle ne s'arrête pas. On sent que la journée commence ! Toujours beaucoup de voitures tournent à gauche, il y a sûrement une usine dans le coin.

04h50 : un peu d'animation : une fouine traverse la rue principale.

05h10 : la 3ème voiture s'arrête !! "Oui malheureusement je vais travailler.. 6h-18h.."Je pense que je saute de joie intérieurement..."

05h20 : au rond-point à Dieuze, direction Nancy-Lunéville, il fait désormais jour !

La technique de la carte routière pour rassurer les conducteurs... abandonnée 4 voitures plus tard !

05h40 : 4 voitures et toujours là ! Une voiture arrive.. Et s'arrête ! Elle va bosser à la Poste et nous donne une adresse dans les Vosges, si besoin d'un hébergement.

05h50 : au rond-point de Moyenvic, le fameux (troisième fois que nous stoppons ou passons ici ces jours-ci) !

05h55 : un moniteur d'auto-école en formation nous pousse sur la route de Lunéville.

06h05 : on avance au carrefour suivant à pieds.

06h08 : deux voitures passent sans ralentir.

06h10 : un jeune intérimaire d'une usine de yaourts nous dépose à Einville en nous parlant de son rêve de départ au Canada.

06h35 : après une pause pipi et robinet, un soignant de la Croix-Rouge nous prend pour Lunéville, où il travaille à la MAS.

07h00 : on arrive au spot pour LE SUD (des Vosges).

07h20 : nous voici près de Baccarat grâce à un mec travaillant pour un sous-traitant en aéronautique. Au rond-point, 3 voitures s'arrêtent mais ne vont pas dans notre direction.

07h25 : une étudiante en école d'infirmière s'arrête. "Ça va que vous êtes deux!" "Je vais à Saint-Dié".

07h50 : alors qu'il n'y a pas de spot au rond-point, Rudy et sa twingo nous prennent en direction de la route de Gérardmer ! Nous passons donc Saint-Dié sans encombre et éviter le gros nuage qui s'approche..

08h10 : Rudy nous invite à boire un café, le rêve ! Il est le premier à qui nous racontons notre nuit agitée !

08h30 : nous sommes en direction de Gérardmer, abrités par un fleuriste pour éviter les trombes d'eau qui nous ont rattrapés !

Se rendre visible sans se mouiller...

08h50 : Pascal s'arrête, il travaille à la Confiserie des Hautes-Vosges (CDHV) et nous offre des bonbons des Vosges au col du Plafond !

09h05 : un ex-fromager (dans le gruyère) nous conduit à Gérardmer.

09h20 : pause pipi, Anouk propose qu'on ouvre les sardines (levés depuis 7 heures, c'est l'heure du déjeuner !). Un peu de marche et un spot, sous un arbre, à l'abri de la pluie.

10h05 : c'est parti pour le col de Grosse Pierre ! Avec une éducatrice sportive, ancienne athlète de haut niveau en biathlon. Elle a pitié de nous avec la pluie et nous pousse plus loin, en bas de La Bresse.

10h25 : Anouk reçoit un appel pour un apprentissage dans une licence pro en Bretagne...

10h45 : Laura fait demi-tour pour nous avancer de 7km, elle a fait du stop au Canada et a aussi eu pitié de nous sous la pluie ! 10h55 : stop à Corimont ! On attaque la dernière moitié difficile !!

11h05 : un jeune intérimaire dans une usine de métallurgie nous prend pour Le Thillot. Il a souvent fait du stop dans le coin et nous dépose en direction de Lure.

12h00 : Wilfried le métreur nous pose à Melisey 12h02 : une prof des écoles qui allait acheter 2 cordelettes s'arrête immédiatement ! Elle passe demander à sa collègue si elle va à Montbozon. Ne la trouvant pas, elle nous dépose du bon côté de Lure, nous évitons 45 minutes de marche...

12h25 : spot parfait vers Montbozon !

12h30 : "Montbozon ? Mais vous êtes désaxés !" nous lance le conducteur de la voiture qui s'arrête, rénovateur en bâtiment.

12h45 : il nous place finalement sur la route "principale" de Montbozon

12h50 : Thierry nous récupère pour Montbozon. Il est pilote d'hélicoptère et connaît bien Yves, notre ancien hôte de Haute-Savoie, lui aussi pilote dans le civil ! Thierry a le temps et va nous déposer à notre destination finale. Il ne sait pas encore que son GPS ne trouvera pas le village en question.

13h35 : arrivés à Roche sur Linotte !!! Après avoir tourné longtemps pour trouver le bon village, nous sommes déposés devant le Château, notre destination du jour !

Au bilan, une courte nuit, 8h30 de trajet, 17 voitures et 262 kilomètres... Mais surtout, une rencontre aussi marquante que troublante. En effet, Karine s'est montrée très attentionnée dès le départ et a fait preuve d'empathie envers nous. Rapidement, nous avons pourtant compris que son univers était à part, entraînant du même coup un isolement social qu'elle était heureuse de briser. Nous devions bien sûr garder une distance dans la relation du fait de sa maladie pour veiller à notre sécurité, et nous n'avons jamais envisagé de baisser la garde jusqu'à notre départ. Si nous avons su gérer la situation jusqu'au bout, cette expérience nous apprend toutefois à continuer à écouter notre intuition et à faire la part entre la volonté de découvrir une personne et le risque de nous rendre otages d'un univers potentiellement préjudiciable.

* : nous avons modifié le prénom


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