Plan d'ensemble sur décembre
Nous repartons de Lille le 24 novembre ! Nous avons décidé de filmer notre voyage pendant un mois avant Noël. Nous partons du point le plus au nord de la France, c'est à dire au-dessus de Dunkerque, pour aller au point le plus au sud, c'est-à-dire en dessous de Perpignan, pour passer Noël chez l'habitant là-bas. Nous choisissons cette période car l’hiver est souvent qualifié de "mauvaise période" par nos conducteurs et nos conductrices pour visiter leur région. Mais nous ne sommes pas des touristes, nous sommes des voyageurs et nous aimons rencontrer les départements et les gens tels qu'ils sont vraiment. En hiver il y a une ambiance feutrée, très intime, car le froid regroupe toutes les familles autour du feu de la maison. Et puis voyager sans argent pendant la plus grande période de consommation de l'année donne un sens profond et fort à notre mode de vie. Enfin, le moment de Noël en lui-même est un des moments en famille les plus forts de l'année, être intégrés dans un moment comme ça serait donc aussi pour nous une marque de confiance et une fenêtre de vie de la famille très fort. C'est peut-être la seule fois de notre vie que nous ne savons pas avec qui ni où et comment nous passerons Noël, c'est une grande liberté !
Travelling arrière pour Leffrinckoucke
Nous quittons Lille grâce à un fan-compulsif de pêche en mer, parti pour un face à face avec les éléments toute la nuit, qui nous dépose à Dunkerque. Nous visons ensuite la commune la plus au nord de la France : Bray-Dunes. Après avoir fait plusieurs kilomètres à pied pour sortir de la zone urbaine, nous atteignons Bray-Dunes avec un couple belge, lui diplomate et elle avocate, qui se rend dans sa maison de vacances pour le week-end. Arrivés là-bas sans logement, nous décidons de reprendre le stop et rebrousser chemin pour visiter les communes d'à côté. Une boulangère nous offre un goûter de rêve avec des mini-viennoiseries. Le ventre bien rempli et motivés pour trouver un endroit où dormir dans le coin, nous nous remettons en route ! C'est alors que Virginie a la géniale idée de s'arrêter pour que nous puissions la rencontrer ! Elle est institutrice et engagée dans de nombreuses associations écolos ainsi que conseillère municipale. Elle adore notre voyage et est tout à fait d'accord avec nous : la peur de l'autre paralyse les gens, vivre pleinement sa vie avec tous les risques qu'elle comporte est bien plus épanouissant ! Elle a soudain une idée pour nous loger et nous emmène à Leffrinckoucke, au Terminus Idéal. C'est un lieu où vit Tilly, alias le Facteur Hippocampe, qui fait de son lieu de vie une résidence d'artistes ! C'est un endroit qui grouille d'art, de tableaux en bois flotté, de sculptures métalliques, de maquettes, d'immenses toiles, génial ! Nous tombons à pic dans la soirée du vernissage d'une grande fresque représentant les yeux de deux visages sur un mur extérieur.
Le Terminus Idéal est un parfait point de départ pour notre voyage filmé, cela nous met sous une bonne étoile artistique. Le 25 novembre au matin nous décidons d'aller faire une aquarelle au bord de la plage dans le but de l'offrir dans un mois comme cadeau de Noël à nos hôtes un peu particuliers qui nous accueilleront le 25 décembre ! Nous en prenons plein les yeux : le froid, le vent, le sable mais aussi ces magnifiques plages et ce blockhaus entièrement recouvert de miroirs par l'artiste Anonyme !
Gros plan à St Omer
Lorsque nous prenons la route, nous commençons par monter... dans un bus ! Non, nous n'avons pas décider de frauder parce qu'"on n'en peut plus de marcher", mais nous sommes simplement montés dans un bus gratuit le week-end de l’agglomération de Dunkerque ! C'est là où l'on se rend vraiment compte que la gratuité des transports c'est quand même une merveilleuse idée. Nous commençons ensuite véritablement le stop. Une dame qui va à Lille nous conseille très fortement Bergues à tel point qu'elle nous dépose aux portes de la ville pour que nous puissions la visiter. Il est 15 heures et nous n'avons toujours pas pris le temps de manger. Nous découvrons les débuts de galère de type technique : le froid vide les batteries de l'appareil photo avant que nous puissions l'utiliser... Nous rentrons dans une crêperie pour pouvoir "recharger les batteries", même celle de notre corps tant qu'à faire ! Mais pour nous, pas de répit, deux hommes qui mangent avec leur famille dans le petit restaurant viennent nous aborder en fumant. Intéressés par notre voyage mais trop ivres pour comprendre que nous avons besoin de manger nos sandwichs tranquillement, ils nous proposent l'hébergement. Nous flairons le mauvais plan et refusons poliment.
Nous enchaînons ensuite plusieurs voitures très variées : un homme âgé très procédurier, un jeune globe-trotteur et une jeune infirmière qui nous offre un saucisson. Nous atterrissons à la nuit tombée à Saint-Martin-au-Laërt, dans la banlieue de Saint-Omer. En ville, de nuit et sur un petit rond-point, il faut tout donner pour avoir une chance de convaincre une voiture. Anouk est soudain prise d'une folle énergie et se transforme en animatrice de rond-point, ça marche ! Les gens rigolent et finalement Frédérique, avec sa petite-fille à l'arrière, s'arrête ! Nous ne faisons que quelques kilomètres jusqu'au centre-ville et le courant passe très bien avec elle. A tel point que Pierre-Elie se lance pour la première fois et lui demande si elle connaît quelqu’un susceptible de nous héberger dans ses connaissances. Après quelques coups de téléphone, nous sommes invités à la soirée où elle se rend le soir même, chez Hélène et Gontran, et nous dormons là-bas ! Ils ont une fille de 3 ans et demi, Lucie, et sont très engagés dans leur ville : incroyables comestibles, projections, cantine bio, nous renouons avec notre passé engagé. Là-bas nous rencontrons également Laurence chez qui nous allons boire un thé le lendemain, avant d'aller au festival de l'arbre avec elle et Frédérique. Nous restons à Saint-Omer trois jours ! Nous donnons des coups de main : changer l'ampoule de la voiture, transporter la machine à laver, faire à manger, nous nous sentons bien dans ce réseau de copains. Lucie, très timide le premier soir s'ouvre petit à petit à nous : nous dessinons ensemble, puis nous dansons, elle finit par nous inviter à rester dormir chez elle ! Nous en profitons même pour rencontrer une journaliste locale de la Voix du Nord qui écrira un bel article sur Voyagez-Nous ! Très intéressée par notre voyage, nous mangeons avec elle le lendemain midi !
Dernier panoramique des Hauts de France
Nous réussissons finalement à repartir le 28 novembre de Saint-Omer ! Christophe est notre premier conducteur du jour, il est jeune professeur de physique dans un lycée. Il s'arrête dans un village sur la route pour nous offrir un thé et un moment de discussion très sympathique. Juste avant de nous déposer il nous offre également le journal pour coller l'article dans notre carnet de voyage ! Nous entamons une super journée de stop remplie de très belles rencontres. Nous faisons des petits bonds de ville en ville. Arrivé à Doullens, nous demandons notre chemin à une dame dans la rue et s'ensuit une longue discussion au bord d'un trottoir. Elle est très touchante et regrette beaucoup de ne pas pouvoir nous héberger car elle habite dans un lycée dont elle gère les alarmes.
La ville
Nous continuons notre route et croisons celle d’Émilie à Amiens ! Elle tient le guichet dans une banque et est trop heureuse de changer de sa routine "auto-boulot-dodo". Nous faisons une soirée film/lasagnes très reposante. Le lendemain nous pouvons ainsi visiter la fameuse cathédrale des environs dès 8 heures du matin !
La campagne
Nous visons à présent les falaises d'Étretat. C'est une journée très variée, nous avons le temps d'oublier un tupperware à Amiens, se faire voler l'écharpe de Pierre-Elie, oublier le couvre-sac étanche de Pierre-Elie sur un spot, faire du stop sous la grêle, sous la neige et sous la pluie. Nous sommes également pris par notre conducteur le plus vieux : 86 ans. Il roule à 60 km/h sur la route à 90 km/h et nous précise qu'il "n'est pas un fou de la vitesse". Finalement Nico s'arrête et nous ramène jusqu'à sa maison, en pleine campagne ! Nous rencontrons Anne, sa femme, et Tao leur garçon de 13 ans. Ce sont eux aussi des voyageurs, ils viennent de rentrer de l’île de la Réunion ! Nous passons une super soirée à rigoler, goûter le fameux rhum qu'ils ont ramené de là-bas, et manger des bons légumes du jardin.
Les côtes
Le lendemain, Anne nous emmène jusqu'à Fécamp où elle va travailler. Nous allons manger notre pique-nique à Etretat ! Très froid mais magnifique ! Nos doigts sont trop gelés pour dessiner mais nous y pensons fort. Nous nous dirigeons ensuite vers le pont de la Normandie tant bien que mal !
Raccord Cut vers Caen
Après avoir visité la très jolie ville de Honfleur et fait un peu de récup', nous nous postons à la sortie vers... le sud, sans réelle direction précise. Un jeune médecin en neuvième année fait demi-tour pour nous proposer Caen : banco ! Une fois là-bas nous allons récupérer de quoi faire notre repas du soir à la fermeture des commerces ! Nous nous demandions quelle technique adopter pour trouver l'hébergement quand Jamka nous interpelle dans la rue et nous demande d'où nous venons et ce que l'on fait. Il nous invite chez lui, ou plutôt là où il loge grâce à son association qui organise des soirées techno et dub : dans l'ancienne école des beaux-arts. Nous arrivons là-bas et nous profitons d'une visite entière de l'immense lieu à la torche ! Notre sommeil lourd et nos corps fatigués sont bercés par les doux "boom boom" de la "salle de mixage" d'à côté ainsi que la radio avec laquelle notre hôte aime dormir. Plutôt atypique comme lieu et comme soirée !
Mise au point sur le film
Cette première semaine de tournage nous a fait prendre conscience des difficultés techniques et humaines que représentait cette idée de faire un film. Nous apprenons à anticiper les pannes matérielles entre les batteries qui se déchargent et la carte SD qui se remplit trop vite. Le plus difficile reste à assumer la caméra en toutes circonstances et à sentir quelle doit être sa place dans nos relations avec les gens que nous rencontrons. Nous arrivons maintenant à l'assumer dans les voitures et à demander à nos conducteurs si la présence de ce cinquième œil les dérange. Nous filmons également les sorties et entrées dans les véhicules, même si le cadrage dans ces moments de précipitation reste à améliorer. Mais chez les gens, lorsque nous rentrons vraiment dans leur univers, avec leurs enfants, leurs animaux, leur conversations, c'est beaucoup moins évident de se sentir à l'aise dans ces moments si privilégiés. Nous réfléchissons beaucoup à comment mieux filmer sans être intrusifs, quelles images avoir pour que l'on puisse ensuite partager ces aventures simples mais profondément humaines.