La Pointe qui nous rend marteau
Début décembre, nous repartons de Caen où nous avons quand même croisé Jeanne par hasard, l'ancienne colocataire d'Anouk ! Nous avons également dormi sur le bateau de Timothée et rencontré Julia et ses ami-e-s qui ont voyagé à 9 en stop et sans argent en Croatie l'été dernier. Le dimanche, l'un d'eux, Jesse, nous dépose à Bayeux sur sa route. Son frère David et Lynn son amie sont actuellement en Australie, "On our way back home", une bien belle aventure en stop et sans argent !
Après avoir visité la cathédrale et le centre-ville, nous marchons jusqu'à un rond-point. Pierre s'arrête : il va à 15 kilomètres, pas dans la Manche où nous avions pensé arriver le soir même, mais c'est l'occasion de découvrir Omaha Beach et le cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer. Ce jeune grand-père nous raconte les événements sportifs qu'il organisait avec de jeunes élèves de primaire dans la Drôme. Il est revenu dans sa région natale à la retraite, et ce soir, nous accueille chez lui.
Le lendemain matin, il continue la visite thématique en nous déposant à la pointe du Hoc, où les Rangers américains débarquèrent le 6 juin 1944 pour détruire les fortifications allemandes. Haut lieu du tourisme de guerre, une pointe n'est pourtant jamais une bonne nouvelle pour des autostoppeurs. Après une demi-heure de stop infructueuse, nous marchons 5 kilomètres sur la route menant à Grandcamp, c'est la première fois du voyage. Heureusement qu'il fait beau !
La journée des conductrices
Bien décidés à ne plus marcher aujourd'hui, nous levons le pouce à la sortie de la ville. C'est finalement Colette qui s'arrête. Celle-ci a "82 balais" et va retirer de l'argent à Isigny car ici les distributeurs sont vides après un gros week-end festif : la Coquille Saint-Jacques en Fête ! A côté du rond-point où elle nous dépose, un supermarché. Je garde les sacs pendant qu'Anouk va "faire les courses". 20 minutes plus tard, la voici enfin qui revient, ravie, les bras chargés de mets : 6 paquets de Belvita, des wraps, quelques oranges... "Tout le monde était super sympa ! Et encore, j'ai refusé les 3 kilos d'oranges qu'elle m'avait apportés !" Nous reprenons donc le stop avec le sourire, et une dame nous pousse à côté de Carentan avant que Nelly ne s'arrête. En quelques minutes, cette agricultrice à la retraite change ses plans de l'après-midi pour nous faire visiter la Manche : Sainte-Mère Eglise, Utah Beach une autre plage du débarquement, et pousse même jusqu'à Barfleur, petit port de pêche au Nord-Est.
Il commence à faire nuit mais il n'est pas si tard. One-shot pour Cherbourg grâce à une nouvelle conductrice qui va à un cours de dessin. A la retraite elle aussi, elle voyage 6 mois par an en voilier autour du monde avec son mari. Nous buvons ses paroles car nous partageons ensemble le même goût pour l'aventure !
A Cherbourg, un jeune salarié du club de hand de la ville nous met sur la route du cap de la Hague, le drapeau normand que nous agitons l'a bien amusé, merci Cyprien qui nous l'a offert à Caen ! C'est ensuite une jeune étudiante en prépa d’orthophonie qui nous amène à Beaumont-Hague où nous récupérons 4 baguettes au moment où la boulangerie tirait le rideau. Alors que nous stoppons à l'ombre de l'obscurité (oui oui), Claire baisse sa vitre : "où allez-vous ?" Et nous voici dans notre dernière voiture de la journée car la voilà qui nous propose de venir chez elle à Jobourg. Mère de 5 enfants, elle travaille à l'office de tourisme de Beaumont-Hague et est engagée au comité des fêtes de sa commune dont son mari est maire délégué. En effet, le 1er janvier 2017, il y a eu un grand regroupement de 19 communes pour former une commune nouvelle : La Hague, qui comptabilise désormais plus de 11 000 habitants.
Nous découvrons le quotidien énergique de cette famille nombreuse et profitons de la douceur de la région pour passer la nuit sous la tente ! Le lendemain matin, nous choisissons de partir en randonnée sur le sentier des douaniers dont tout le monde nous parle depuis quelques jours ! En pleine nature, nous apprécions le calme et la grandeur du paysage : alors que nous arpentons les grandes collines du Cotentin, nous apercevons les îles Anglo-Normandes juste en face avant de découvrir enfin le magnifique site du Nez de Jobourg ! Une douche, des pâtes et ça repart !
Barneville, Granville, le Mont Saint-Michel : la Manche longue
Notre tour de Manche continue et en fin d'après-midi, Guillaume s'arrête. Ce Breton d'origine n'a visiblement pas été vexé de nous voir lui agiter le drapeau normand sous le nez... Il habite Barneville et nous invite naturellement chez lui ! A la maison nous rencontrons Lise sa femme et leurs enfants Marin et Lucien ou Lulu ! Nous racontons notre voyage, partageons ce qu'il nous reste de carottes cake avec les enfants et, surtout, écoutons Marin nous présenter ses albums Panini et ses maillots de foot ! Cela me rappelle clairement ma jeunesse... sans ce papa à fond dans cette même passion !
Chez Guillaume et Lise, on se sent très bien accueillis, alors ce soir c'est pizza pour tout le monde ! On partage d'ailleurs également avec eux l'amour de l'Italie et de sa gastronomie !
Dans une autre vie, nous serions bien restés un peu plus, mais les Pyrénées Orientales étant encore un peu plus au Sud, nous choisissons de reprendre la route le lendemain. Nous continuons à longer la côté, bien que la route ne soit pas très passante. Plusieurs petits trajets donc, mais toujours des rencontres qui font du bien, qui donnent envie de lever le pouce encore et toujours... La 9ème voiture de la journée s'arrête alors en plein milieu de nulle part. Voici Marie-Agnès, institutrice de son état, qui rentre du marché. Hier soir, elle vient justement de trancher : elle ne demandera pas d'affectation à Mayotte cette année. "Et là je rencontre des voyageurs, c'est incroyable non ?" Le courant passe et elle nous propose de rester dormir chez elle, "la maison est grande" maintenant que ses deux enfants sont tous les deux partis. Elle veut aller marcher sur la plage, nous faisons donc un aller-retour chez elle pour poser nos sacs et se changer avant de retourner se balader avant la nuit. Le soir, c'est un vrai buffet qu'elle nous prépare : boudin, poisson, rhum... puis elle nous propose d'aller visiter Granville "by night" ! Les vagues viennent s'écraser au pied du casino, le vent est presque glaçant, mais notre trio réchauffe tout ! Avec nous, Marie-Agnès semble retrouver sa jeunesse et nous finissons au bar La Rafale où elle ne peut pas aller avec ses grands enfants !
Jeudi matin, elle nous emmène à Granville avant d'aller travailler, afin que nous puissions réaliser notre petit rêve du jour : arriver au Mont Saint-Michel ! Nous partons très vite pour Avranches grâce à une jeune professeure de SVT au lycée. Au rond-point, nous gardons notre motivation malgré le crachin et les grandes directions qui concurrencent notre destination : Rennes, Saint-Malo... Au bout d'une heure, et alors que nous commençons à abandonner notre petit rêve du jour, un couple nous prend et défie les noeuds autoroutiers spécialement pour nous mettre sur la route du Mont ! Il suffisait d'y croire ! Peu après, Florane s'arrête, elle habite à côté et nous dépose sur le parking du site ! Nous arrivons à temps pour sauter dans la navette qui va jusqu'au pied du Mont. Quelques marches plus tard, nous voici aux portes de l'abbaye qui domine l'endroit. Aux portes, nos sacs y resteront d'ailleurs, Vigipirate n'étant pas trop voyageurs-compatible. Nous visitons donc l'abbaye chacun notre tour, gratuitement grâce à... notre âge !
Entre les gouttes et les averses torrentielles, et jusqu'en Bretagne ! Alors que nous marchons jusqu'à Beauvoir, la commune d'à côté, une gérante de restaurant nous embarque, avec son coffre à ouverture automatique. Nous ne le savons pas, mais lorsqu'elle nous dépose devant un abri-bus à Pontorson, elle nous évite de finir la journée comme des éponges ! Après la pluie, le beau temps, et surtout l'autostop. Nous voici partis direction Saint-Malo. Sur une station-service au bord de la voie express, nous sommes pris par un boxeur professionnel qui nous dépose au pied des remparts de la ville intra-muros. Après s'être baladés, nous tentons le stop en pleine ville. C'est ça ou 45 minutes de marche. Heureusement, nous avons de la chance aujourd'hui et une dame nous fait signe de monter. Elle va à Rennes, et pas nous. Mais elle sort de la ville et ça c'est le plus important ! "Voyagez-nous" ne verra donc pas (tout de suite) la côté nord de la Bretagne. Finalement nous choisissons une sortie avant Rennes pour qu'elle nous dépose un peu loin de cette grosse ville que nous connaissons déjà un petit peu. Nous voici en pleine campagne entre chien et loup. Une artisane en calligraphie et enluminure nous sort de là et nous emmène à Bécherel. Bientôt douze heures que nous sommes sur la route et nous commençons à avoir mal aux pattes. Elle nous laisse d'ailleurs son numéro au cas où nous ne trouvions rien d'autre. L'invitation n'étant pas non plus hyper enthousiaste, nous continuons notre route à la sortie de la ville et avec un éclairage public plutôt médiocre ! Finalement, Alain s'arrête, il va à Montauban-de-Bretagne. Nous racontons notre voyage et il nous explique qu'il est en reconversion professionnelle due à une incapacité de continuer son ancien travail d'affûteur en scierie, très (trop) physique. Finalement, Alain nous propose de nous ramener chez lui. Cela n'a pas l'air du tout d'inquiéter Sylvie sa femme ni Mathis leur second fils actuellement en terminale. Nous échangeons toute la soirée malgré la fatigue et notamment avec Mathis qui découvre avec Anouk les IUT Carrières Sociales. Ses parents l'encouragent même à partir sur la route avec nous qui aurions été heureux de partager ça avec lui... mais dans une grande sagesse, il choisit de ne pas rater sa journée de cours du vendredi ! :D Rencontrer cette famille nous a beaucoup touchés, on ne pouvait pas rêver mieux pour notre arrivée en Bretagne...