Vendredi 22 décembre. Un objectif à 800 kilomètres.
A deux jours du réveillon de Noël, nous sommes encore à près de 800 kilomètres des Pyrénées Orientales, il va nous falloir sortir les grands moyens ! Les « grands moyens », ce n’est pas très compliqué, ça consiste à prendre l’autoroute, et rouler, une journée durant vers le Sud. Nous ferons 721 kilomètres ce jour-là, en passant par Bordeaux, car nos premiers conducteurs allaient à Lourdes ! Avant de se lancer dans ce tour de France, nous voyagions principalement sur les grands axes, et nous retrouvons alors vite nos petites habitudes sur les aires d’autoroute. Des heures à discuter avec les mêmes personnes, partageant un morceau de vie tranquillement, à 130 kilomètres/heure.
A 22 heures, nous arrivons dans l’Aude. Pour notre premier soir sans tente, nous avons mis la barre très haut… Jusque là, nos conducteurs, aussi gentils que différents, ne nous ont pas proposé l’hébergement, et nous choisissons de quitter l’autoroute entre Carcassonne et Narbonne, à Lézignan Corbières. Au péage de sortie, il fait nuit bien sûr, et les voitures sont rares. Nous sympathisons avec une covoitureuse qui attend sa mère et nous faisons amener au centre ville. Dans les rues à cette heure-là, il n’y a pas foule, et je commence sérieusement à fatiguer après cette longue journée. Anouk tient la baraque, et justement, nous trouve une baraque ! Alors qu’elle rentrait du resto, nous abordons Isabelle qui nous invite chez elle, et avec le sourire s’il vous plaît ! Passer la soirée chez Isabelle et son grands fils Quentin va nous redonner une énergie folle tellement la leur est communicative ! Nous voici donc aux portes des Pyrénées Orientales !
Samedi 23 décembre. 30 jours après Leffrinckoucke, nous arrivons dans les PO. Ce jour-là, une jeune Raveuse, puis un chasseur, un militaire, un passionné du bitcoin, un Belge dépressif, le prêtre d’Argelès-sur-Mer, un couple adorable, et au total 13 voitures nous permettent de descendre tout le long de la côte, depuis Port-la-Nouvelle et jusqu’à Cerbère, en passant par Collioure et Port-Vendres. La quatorzième et dernière voiture de la journée, c’est celle d'Adrien. Étudiant à Pau, il est de retour chez lui pour les fêtes. Une fête, il en a une ce soir. Après avoir hésité à nous y emmener, il nous propose plutôt de nous déposer chez ses parents. En quelques minutes, nous trouvons donc un endroit où dormir ce soir, mais également une maison pour les jours suivants.
Chez Adrien, à Saint-Génis-des-Fontaines, nous rencontrons ses frère et sœur puis apercevons ses parents Toni et Nathalie, de passage avant d’aller dîner chez les grands-parents à 5 kilomètres d’ici. C’est le programme des jours suivants : ils iront manger et passer des moments avec toute la famille, mais leur confiance est entière dès le départ. Nous sommes invités à rester à la maison quelques jours, pour nous c’est un privilège.
Dimanche 24 décembre. Mais alors, passerons-nous finalement Noël en tête-à-tête ?
C’est avec cette idée en tête que nous stoppons vers le sentier du littoral. Et puis Michèle. A un kilomètre de la maison où nous sommes hébergés, et après une première voiture, Michèle s’arrête. En plein milieu du rond-point comme beaucoup de nos conducteurs le font… Moi je n’aime pas trop ça car je ne veux pas déranger les conducteurs derrière. Bref. Là, on ne bloque pas l’endroit très longtemps car nous n’avons pas pris nos gros sacs, nous montons donc rapidement. Au volant de la Mini sport, nous faisons la connaissance de Michèle, qui rentrait des courses. Puisqu’elle a le temps, elle prend la route de Port-Vendres, où nous avons prévu de commencer notre balade. A 78ans, elle est formatrice en arts martiaux, principalement une certaine discipline, qui mêle spiritualité, énergies… et complotisme ! Cela, nous le remarquerons à plusieurs reprises au cours de cette belle journée. Michèle est très attachante, passionnée par ce qu’elle fait, mais elle s'apprête à passer Noël toute seule ! Nous lui expliquons notre voyage, et, arrivés à Port-Vendres, elle nous dit « j’aurais dû vous inviter à manger à la maison ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt !? » et nous retournons en arrière pour nous rendre chez elle, à Palau del Vidre. Elle partage la douzaine d’huîtres qu’elle avait achetée pour elle avant de nous prendre, histoire de marquer le coup pour cette journée de fête. Nous partageons les parts de quiche que nous avions emportées pour midi. Nous discutons beaucoup, surtout elle. Elle est artiste peintre, sa maison est remplie de tableaux. Cette rencontre arrivée de nulle part est celle de Noël. Nous en dégustons chaque seconde. En fin d’après-midi, nous repartons donc sur la côte tous les trois. Admirons le paysage à Port-Vendres. Crapahutons sur le sentier du littoral. Développons une complicité, comme si nous nous connaissions depuis des mois. Après un arrêt touristique à Collioure, nous rentrons, et j’ai même l’honneur de tester la conduite de la Mini ! Sur le retour, nous demandons s’il est possible de faire un crochet par l’autre maison où nos sacs sont restés. Le but ultime étant de récupérer les cadeaux que nous préparions depuis un mois pour cet-te hôte mystère du 24/12 que nous ne prévoyions plus de rencontrer aujourd’hui ! Chez Michèle, nous discutons encore beaucoup de cette pratique du chindaï, dont elle est formatrice. Puis nous nous lançons dans la préparation d’un réveillon digne de ce nom avec ce que nous trouvons dans les placards. Michèle n’aime pas du tout cuisiner alors je me fais un plaisir de préparer le repas, pendant qu’Anouk motive notre hôte à décorer le salon ! Ce soir, c’est la fête, plongés dans l’univers de Michèle, très émue lorsque nous lui offrons les cadeaux issus de nos pérégrinations de ces trente derniers jours.
De retour à Saint-Génis, nous prenons une pause de deux jours pour dessiner, se promener et ne rien faire, tous les deux, ce qui arrive rarement finalement. Nos hôtes franco-catalans vont manger chez les grands-parents, sauf le dernier soir où nous profitons du repas pour faire plus ample connaissance. Ils auront été décidément très accueillants et nous ont fait confiance dès le début.
Mercredi 27 décembre. La source qui ne voulait pas nous voir.
Ce matin, nous repartons vers d’autres aventures. Nous visons Céret pour sa position géographique : plus à l’ouest, mais pas trop en altitude non plus. Et puis pour le nom aussi, ça nous fait penser à Patrick Sébastien avec les sardines. Nous attendons une demi-heure avant que Nadine s’arrête. Elle était passée une première fois dans l’autre sens, et comptait nous prendre si elle nous voyait au retour. Elle décide de pousser jusqu’à Céret, presque frustrée de ne pas pouvoir nous inviter à manger « je pense que les beaux-parents ne seraient pas très chauds » ! Nous n’y restons pas longtemps car la route nous appelle ! Par contre nous voulons à tout prix emprunter le pont du Diable, piétonnier et magnifique à la sortie du centre-ville. Entre la montagne trop haute à l’ouest et pour ne pas rebrousser chemin à l’est, il y a Llauro, au nord, dans la montagne. Une étudiante nous y emmène, puis c’est Nathalie qui s’arrête sur cette route peu passagère. Elle passe chercher des amies avant d’aller se baigner dans des sources chaudes. Nous sommes immédiatement invités à les suivre puisque nous avons le temps ! C’est donc parti pour une expédition dans la (vraie) montagne, pas loin des stations de ski pyrénéennes. Près de Fontpédrouse, la neige tombe intensément. Et en cette fin d’après-midi, il ne vaut mieux pas jouer avec le feu et prendre le risque de se retrouver coincés ici ! A l’unanimité, nous choisissons de faire demi-tour, en bas du parking des sources !
Heureusement, Nathalie et ses amies Peggy et Estelle ont un autre plan un peu plus bas. Nous nous hissons au-delà d’un rocher à l’aide d’une corde déjà sur place, puis nous grimpons entre les arbres, avant de nous faufiler sous une barrière et traverser une voie ferrée. Une voie ferrée encore en usage. Comment le sait-on ? Eh bien, 20 secondes sur la voie auront suffit pour voir arriver le train ! Pas un TGV heureusement mais le train jaune, le train touristique de la région. Une sacrée frayeur pour Anouk, et une sacrée engueulade pour Pierre-Elie, à hauteur de la cabine du conducteur logiquement énervé d’avoir dû arrêter son train. Nous rebroussons donc chemin sous la menace de le voir appeler la gendarmerie ! Nous ne verrons pas de source chaude aujourd’hui, mais nous sommes en vie, ce qui est déjà une vraie source de chaleur, quand on y pense. Remis de ces émotions, nous passons la soirée dans le casot d’Estelle, petite maison au milieu des vignes, et d’une nature immensément belle ! Sans eau courante et sans électricité, nous passons une super soirée chez cette créatrice de bijoux et baroudeuse, tout aussi heureuse de nous rencontrer.
Jeudi 28 décembre. Le départ des PO.
Au revoir Estelle, et au revoir les Pyrénées Orientales, du moins c’est l’objectif du jour ! Un objectif que nous réaliserons tout juste. Après avoir fait un détour par Tautavel et son univers préhistorique, nous atteignons finalement Lapradelle, première commune de l’Aude, sur la route de Foix. Ici habite Fabien, notre conducteur et garde-forestier pour l’Office national des forêts (ONF). Il nous raconte son parcours, son métier, la Seine-et-Marne d’où il vient et nous lui parlons de notre voyage et faisons découvrir Nus et Culottés, objectif Hollande ! Le lendemain matin, nous partons tous les trois pour une randonnée vers le château cathare de Puylaurens, juste au dessus de son village. Fabien est dans son élément, la forêt, même s’il doit encore s’habituer au relief !
Après manger, il nous avance à Quillan, où il va faire ses courses. La météo n’étant pas meilleur ici qu’à Lapradelle. Un abribus abritera nos sacs, et nous sortons de la cabane dès que nous apercevons des voitures. Peu de temps après, 3 personnes nous emmènent jusqu’à Carcassonne, à 50 kilomètres d’ici, ils vont chercher les publicités qu’ils distribueront ensuite dans leur secteur. Nous traversons la ville à pieds, hésitant entre continuer notre, route, visiter la citadelle et se poser pour une aquarelle. La météo peu avenante aura raison de nous et nous traçons jusqu’à la sortie de la ville, direction Castres. Deux dames très rigolotes nous embarquent et nous avançons ensuite jusqu’à Mazamet gâce à une infirmière et un parisien arrivé dans le coin récemment. Là-bas, nous marchons encore un peu, il fait désormais nuit. Angélique s’arrête, elle aussi en plein milieu de l’entrée d’un parking. Nous lui disons Castres, elle nous répond Albi. C’est parti pour Albi ! Cette nounou passionnée par les enfants s’étonne de notre aventure sans argent et à la rencontre des gens. Elle est agréablement surprise que cela se passe aussi bien pour nous, et nous offre des chocolats en nous laissant sur la place principale d’Albi, avec le conseil d’aller voir la cathédrale. Même s’il est 19 heures, nous nous y plions et assistons au son et lumière parmi la foule. Sur le chemin, j’ai « bien senti » un monsieur afin de lui demander l’hébergement. « -Bonjour Monsieur, nous… » «- Non merci, au revoir. » Après avoir grignoté un morceau, nous voilà motivés à ne pas repartir sans avoir essayé de demander. Mais en même temps, nous voulons nous diriger vers la sortie de la ville au cas où nous ne trouverions pas. 50 mètres plus loin, nous voyons arriver une dame et Anouk se lance. « -Bonjour Madame, nous faisons un tour de France en stop depuis trois mois. Nous venons d’arriver à Albi. Est-ce que vous connaîtriez quelqu’un qui aurait de la place pour héberger deux voyageurs ? » « - Là je viens de boire un verre de blanc, j’avais prévu de me poser dans mon canapé pour une soirée tranquille… » Et quelques questions plus tard sur notre voyage… « -Bon alors là l’idée c’est qu’on aille à la maison ? »
Nous venions de croiser Catherine. Ses boucles d’oreille ont plu à Anouk. Et nous mangeons maintenant à sa table, échangeant comme si nous nous connaissions depuis longtemps ! Magique. Le lendemain, nous lui proposons de partir faire une journée de stop ensemble pour aller voir des ami-e-s à elle quelque part. Mais elle est invitée pour le réveillon le lendemain soir. Elle ne rejette pas l’idée, mais nous propose pour le moment de rester plutôt un ou deux jours de plus pour pouvoir partager tout ça et découvrir la préfecture du Tarn avec elle. Catherine est une belle personne. Maman de deux enfants de nos âges, elle habite à Albi depuis très longtemps. Elle a exercé une multitude de professions, dont standardiste dans un call center où elle a mené la vie dure à sa direction. Pas syndiquée mais bien décidée à ne pas se laisser faire, elle nous raconte ces années de lutte et démontre la force de vie qui l’anime. Nous ne voulons/pouvons pas tout déballer de cette rencontre, mais ce qui est sûr, c’est que nous avons pris une belle leçon de vie à ses côtés. Au moment de reprendre la route vers Toulouse, Catherine nous prend en photo, stoppe avec nous et arrête une voiture en 30 secondes ! Elle demande au conducteur de prendre soin de nous, et nous, l’embrassons. Nous savons que nous nous reverrons !