Galère. Qu'elle s'annonçait mal cette journée de stop ! 2 heures d'attente à Toulouse, puis 1 heure et demie à un péage d'entrée d'autoroute entre Toulouse et Carcassonne. Pourquoi tant de difficultés ? Probablement car pour une fois, nous avons une destination : Montpellier et l'envie de passer la soirée avec Thomas, le cousin d'Anouk. Notre moral commence alors à devenir aussi noir que la nuit tombée : sauf miracle, nous ne serons pas à Montpellier ce soir.
Héroïne. Une journée si mal embarquée pouvait-elle avoir une fin heureuse ? Pouvions-nous espérer autre chose que de rentrer penauds à Toulouse ? Nous ne trouvions pas de réponse alors que nous décidions de stopper au pouce. Finie la pancarte "Carca", plutôt ridicule qui plus est. Nous revenons au rond-point où se trouve un lampadaire plutôt faiblard, mais qui fera l'affaire, pas le choix. Quelques minutes plus tard, une voiture s'arrête. Anouk court à la fenêtre. "On monte", parce que de toute façon, on ne va pas dormir ici ! "Je passe par Toulouse mais je continue plus loin" nous explique Lélie avant de préciser : "Je peux vous déposer à Toulouse ou bien vous ramener à la maison, mais je vous préviens, c'est paumé !" Les coins paumés, ça nous connaît ! Et là, on tient l'occasion de clôturer cette journée d'une bien belle manière. Inespéré !
Chantier. Lélie n'a pas la langue dans sa poche. Et son enthousiasme nous redonne de l'énergie pour toute la soirée ! Sur le trajet, elle nous raconte son enfance, ses 3 garçons et sa formation d'enseignante en cours. Arrivés chez elle, à Mongausy dans le Gers, nous rencontrons Max son copain, tourquennois d'origine mais bien gersois d'adoption ! Installés dans la commune il y a moins d'un an, leur maison est toujours "en chantier" et notamment leur chambre, mais c'est déjà une maison remplie de vie, et c'est sûrement ça, le principal ! Nous passons la soirée à manger des pizzas, discuter avec eux et Christophe un ami, puis jouer au baby foot, trônant au milieu du salon. Lorsque nous nous endormons dans leur camping-car nous servant de chambre, on se dit que ce voyage nous offre vraiment de belles rencontres imprévues, et on savoure.
Week-end. Nous profitons du samedi matin pour traîner au lit. Nous aussi nous sommes en week-end !! Les enfants de Lélie étant chez leur papa, elle en profite pour avancer son travail de la semaine à venir pendant que Max le plombier se mue en charpentier-soudeur-bricoleur pour terminer la porte du garage qui leur servira d'atelier. Anouk apprend un morceau de guitare à Lélie et nous préparons ensuite le repas du soir où sont attendu-e-s Zoulou la soeur de Lélie et Fleur la soeur de Max, ainsi que Christophe, chargé de ramener les manchons de canard. Sympa l'accueil du Gers ! La soirée durera jusqu'à 5 heures du matin et la dernière partie de baby-foot. En fait ce n'était pas vraiment la dernière. Mais on ne le savait pas encore !
Autostoppeurs. Autant dire qu'on n'a pas vu grand monde de levé à Mongausy le dimanche matin ! A 16 heures, Lélie et Max nous conduisent à Saramon, avec un conseil : "allez voir Simorre !" Nous levons donc le pouce à la sortie du village, direction le "village d'artistes" dont on nous a régulièrement parlé à Mongausy. Il y a un moment, quand deux jours avant on ne savait pas vraiment placer le département sur la carte, on choisit de se laisser guider. Notre voyage s'écrit comme ça. Et une voiture plus tard grâce à un couple de bordelais, nous voici à Simorre ! Les deux hommes nous déposent en plein centre du village. En descendant de cette voiture, nous n'imaginons pas que ces 8 kilomètres seront les derniers avant plus de deux semaines. Nous en sommes précisément à 8502 kilomètres au compteur.
Zen. C'est calmement que Caro nous proposera immédiatement de venir "dormir à la maison". Nous venons de nous rencontrer devant la "boutique éphémère" avec des vêtements déstockés. Rendez-vous chez elle, où nous nous rendrons à pieds alors que nos sacs sont dans sa voiture. En arrivant, nous rencontrons Péma (9ans) et Pierre (6ans), ses enfants, ainsi que son cousin Luc, sa copine Lila et sa maman, et leur fils Raymond. Nous nous rajoutons à ce petit monde et Caro nous fait visiter. Jusqu'au frigo où elle nous montre tout le nécessaire à raclette pour le dîner. Car ce soir, la petite famille à une soirée de Noël (le 7 janvier!) et nous dînerons en tête-à-tête. Chose rare pour être soulignée. Les soirs suivants, nous prendrons le temps de la rencontrer autour d'une tisane. Elle nous raconte son travail de masseuse, ses années en Martinique, le bouddhisme et l'Inde où elle s'en va dans quelques jours, mais aussi Simorre. Elle nous encourage à rester car nous n'avons "pas vu tout le monde" !
Anniversaire. Le mardi, nous fêtons donc nos 100 jours de voyage à Simorre. Nous commençons à prendre nos marques dans le village, tranquillement. Nous rencontrons Brigitte, la correspondante locale de "La Dépêche du Gers". Inspirée par notre communiqué de presse, elle écrira un article sur nos 100 jours avec un encart en Une. C'est une autre façon de se faire connaître. En journée, chez Caro, nous profitons de notre temps pour rendre des services. Sa maison à l'écart du village nous offre la possibilité de nous ressourcer au milieu des collines gersoises. Au bout de deux jours, nous n'avons toujours pas "vu tout le monde", mais nous prévoyons quand même de reprendre la route le lendemain. Une petite voix nous rappelle de temps à autre que pour tenir notre objectif de "dormir dans tous les départements", c'est environ 3 nuits par départements qu'il faudrait compter...
Café. Dans un village, le café est un endroit central. Son existence même influe sur le reste de l'économie voire de la démographie. Simorre en sait quelque chose, ayant connu plusieurs années sans bistrot. Et puis, il y a 6 ans, a ouvert le Bouche à Oreille (BAO), café-restaurant culturel. Ce renouveau à Simorre est dû à Arthur -qui possédait une maison familiale ici et dont un aïeul fut maire du village- et à Séverine. Le couple et leurs 4 filles changeaient alors de vie pour devenir propriétaires d'un bistrot. Bien leur en a pris, et surtout, quelle réussite ! 2018 devrait être l'année de la transition vers la SCIC (société coopérative d'intérêt collectif), preuve que ce café n'est pas vraiment comme les autres, et qu'une dynamique est portée par un ensemble d'habitant-e-s plein d'énergie(s) ! L'été, plusieurs festivals sont organisés, dont plusieurs à l'initiative du BAO. Et le café ne désemplit pas ! Pour nous, il fut assez évident, dans ce contexte, de trouver notre place au BAO. Pendant ces deux semaines, il nous est arrivé plusieurs fois de donner des coups de main en échange du repas.
Nous avons pu vérifier avec nos papilles la réputation de la cuisine du BAO, oeuvre de Séverine qui a appris "sur le tas" lors de son arrivée à Simorre et lors d'un stage cet été auprès d'un grand chef. Cette réputation dépassant les frontières administratives de Simorre, nous eûmes le plaisir de retrouver Lélie, Max, Zoulou et Fleur au BAO le samedi soir. C'est la première fois que nous revoyons nos hôtes et nous sautons sur l'occasion pour faire un petit baby-foot !
Musique. Il n'est pas rare de se promener dans Simorre au doux son des instruments de musique. Camille au saxo... Nicolas à la basse... Et la passion se retrouve aussi chez les jeunes. Plusieurs d'entre eux et elles sont au collège de Marciac, un établissement classique mais où l'on peut suivre 5 heures d'initiation au jazz par semaine. La "bande du BAO" a aussi lancé son orchestre : "l'Ultimate Bric-à-Brac Simorkestra" (tout simplement), une joyeuse bande de villageois-es arborant trompettes, accordéons, percussions, saxophones, mais aussi des instruments loufoques "made in Simorre", comme on dit en Gascogne, emmenés par Camille et Arthur D, musiciens professionnels.
Chez Mina, notre seconde hôte, c'est un joli résumé de l'ambiance musicale du village. Le piano a toute sa place dans la cuisine, elle s'y penche quand l'envie lui prend. Camille, son compagnon, part régulièrement en tournée à l'étranger, et Marilou sa fille aînée jongle entre la basse, le piano et la batterie, emballée par l'atelier jazz du collège.
Fourmilière. Finalement, après deux semaines et deux ou trois faux départs, nous n'avons toujours pas repris la route ! Jour après jour, nous découvrons de nouvelles personnes et de nouvelles activités. Quand ce n'est pas les événements, "Mod'in Simorre" ou le grand week-end de la soupe (22 soupes au concours, dont celle ortie-gingembre de Mina et Anouk qui termina dans le ventre mou du classement puis un spectacle où la recette phare est une purée de céleri et chocolat blanc !), nous nous lançons dans de nouveaux projets. Les connaissances d'Anouk en vidéo et montage ont parlé à Séverine qui en a parlé à Stéphane qui en a parlé à Manu... Et voici Anouk et Manu partis réaliser deux entretiens avec Jeannot et Denise, âgé-e-s respectivement de 92 et 100 ans pour une séquence sur Simorre "à l'époque". Logiciel de montage à l'appui, Anouk réalise ensuite une vidéo de 5 minutes, pour une immersion grandeur nature au siècle dernier. Le samedi, nous avons même l'honneur de pouvoir présenter cette vidéo et les deux autres sur notre voyage et notre arrivée à Simorre au BAO ! Les fourmis n'arrêtant (presque) jamais, nous avons toujours une proposition pour nous rendre utiles : rentrer du bois avec Laurence, planter des oignons chez Léonine ou bien profiter du hammam...!
Conclusion ? A Simorre, notre voyage a pris une autre dimension. Nous qui regrettions de n'être que de simples spectateurs devant les projets des personnes que nous rencontrions, Simorre nous a offert la possibilité de prendre part intégrante aux siens, de les vivre et de les faire vivre. Nous sommes persuadés, plus que jamais, qu'un voyage sans itinéraire et sans date de fin prédéfinie est une expérience fabuleuse qui mérite d'être vécue. Les liens que nous avons créés ici sont liés aux projets dont nous avons été acteur et actrice, et nous savons d'ores et déjà que nous reviendrons !
Alors oui, Barbara -et quelques autres- nous le demandent. "Dis quand reviendras-tu ? Dis, au moins le sais-tu ?" Pour nous, il s'agirait déjà de repartir ! Les dernières rumeurs évoqueraient un départ le mercredi 24 janvier, mais à l'heure où nous mettons sous presse, rien n'est confirmé...
Et en images, par ordre d'apparition dans l'article...