Ces trois jours intenses à arpenter les gorges du Verdon nous en ont mis plein les yeux mais aussi plein les jambes ! Nous décidons de repartir en direction du Gard. Face à la carte nous rêvons un peu : "nous passerons sur le plateau de Valensole puis après nous pourrons passer par Roussillon et nous finirons dans le Gard !". Aline nous dépose à là sortie de Moustiers-Sainte-Marie, et nous nous quittons avec encore plein d'étoiles dans les yeux.
Fashion casquettes !
Nous savourons nos casquettes sous la chaleur qui monte progressivement au bord de la route. Un camion de chantier s'arrête et nous embarque en nous faisant éviter le plateau de Valensole... Nous nous laissons guider par la route. Nous nous arrêtons pour manger un peu, nous sentons que nos jambes et tout notre corps se rappellent bien du fameux sentier Blanc Martel ! Il y a peu de voitures mais un commercial finit par s'arrêter. Il va à Aix-en-Provence ! Bon... Allez, nous sommes fatigués, nous avons besoin de vacances et nous connaissons des gens là-bas ! Nous passons un super trajet : son travail consiste à trouver des emplacements pour implanter des petites supérettes dans des villages, filières des grandes surfaces. Ainsi il nous explique :
"- 8 à 8 c'est Carrefour, mais Spar c'est Casino.
- Et alors Casino Shop c'est quoi ?
- C'est pas pareil, pour les Spar les gérants doivent acheter le fonds de commerce, mais ils sont obligés de commander leurs produits dans la centrale de Casino, alors que les Casinos Shop appartiennent à Casino et doivent même renvoyer tous les invendus à la centrale !
- Ah ! C'est pour ça que ça ne marche jamais la récup dans les Casino shop !!"
Nous arrivons au milieu de la ville et nous contactons les grands oncle et tante d'Anouk, Jean-Jacques et Madeleine. Nous nous donnons rendez-vous en fin de journée. Nous pouvons ainsi passer quelques heures dans la bibliothèque à lire des bandes-dessinés et nous reposer un peu. Chez Jean-Jacques et Madeleine, Anouk sort la terre glaise noir qu'elle a ramassée lors de la randonné au fond des gorges du Verdon et prépare un cadeau pour Thomas (de Stop nous si tu peux) avec qui nous avons rendez-vous le lendemain midi pour pique-niquer. Nous sommes très heureux de le retrouver, quelqu'un que l'on connait déjà ! C'est si facile, reposant et intéressant de partager avec lui toutes nos expériences ! Car oui rencontrer toujours de nouvelles personnes demande une grande énergie pour s'adapter, présenter qui l'on est et construire le début de la relation. Nous nous ressourçons donc à ses côtés et lui offrons le pouce en terre du Verdon !
Thomas nous emmène sur un super spot de stop direction le Gard ! Plein d’énergie nous rayonnons autant que le soleil sur le bitume. Une voiture s'arrête assez rapidement, c'est Marie-Alix. Tout de suite la conversation qui se crée est profonde dans son sens et légère dans sa forme. Elle nous explique son métier d'experte immobilière puis son travail de thérapeute qui la passionne. Elle comprend tout de suite le sens de notre voyage et nous propose de dormir chez elle à L'Isle-sur-la-Sorgue, à 25 kilomètres d'Avignon pour que nous puissions visiter le magnifique Luberon. Elle adore sa région et la connaît par cœur. Il est 14 heures et nous acceptons avec joie de pouvoir la rencontrer un peu plus. Nous avons l'après-midi devant nous et nous suivons donc ses conseils en allant visiter Fontaine-de-Vaucluse en stop grâce à une jeune esthéticienne qui nous pousse jusqu'au village. Superbe village avec des cours d'eau partout mais un peu trop touristique à notre goût ! Dommage, le bassin impressionnant de la source est inaccessible à cause d'un éboulement récent. Nous profitons quand même bien de la vue depuis le château et des balades dans le village.
Comme prévu, nous retrouvons Marie-Alix pour prendre l'apéro dehors puis goûter la brandade, spécialité nîmoise, où elle a vécu. Nous discutons pendant des heures, Marie-Alix nous partage son enfance dure, et les épreuves terribles de violences, de manipulations et d'inceste qu'elle a dû surmonter. Elle nous explique comment elle a finalement réussi à se construire, et à grandir grâce à un long travail sur elle-même. Nous sommes époustouflés de la voir si rayonnante et épanouie, de voir que oui, il est possible de se sortir des situations les plus atroces. Nous exprimons alors chacun comment nous nous sommes construits, ce qui a été déterminant pour nous dans notre évolution et comment le voyage, lui aussi, nous fait grandir. C'est une vraie mise à nu et une prise de conscience de ce que nous vivons que nous offre Marie-Alix. Après le repas, elle accepte avec plaisir de tirer au sort la personne qui gagnera une place pour la Mad Jacques, cette course en stop suivie de conférences et de tables-rondes où nous interviendrons début juin. L'heureuse élue se nomme Marine, qui avait donné cette belle définition de l'autostop : "L'autostop c'est arrêter de vouloir tout maîtriser, c'est se laisser porter par l'imprévu, l'improbable, l'improvisation, parfois l'impressionnant, souvent imprécis. C'est une métaphore de la vie : on sait d'où l'on part, on espère arriver quelque part, et entre les deux, c'est accepter que tout ne dépend pas de nous, mais des rencontres qu'on aura la chance de faire, du sourire qu'on a à offrir, de la patience, du hasard. C'est préférer la ligne courbe sur la ligne droite, c'est choisir l'aventure au coin de la rue et de la route, c'est la fin ET les moyens."
Notre rencontre avec Marie-Alix est à l'image de la merveilleuse région que nous découvrons le lendemain dans le Luberon. Toujours sur ses précieux conseils, nous découvrons d'abord Gordes. Étonnant village perché avec une architecture et une couleur toute particulière. Nous déjeunons devant ce spectacle. Nous partons ensuite à la recherche des fameuses Ocres de Roussillon pour les dessiner. Lorsque nous arrivons là-bas, nous sommes charmés par les maisons toutes rouges du village mais déçus du prix d'entrée pour la balade des ocres ! Nous ne nous dégonflons pas et rendons visite au "Conservatoire des ocres et de la couleur" de Roussillon, où nos amis Séverine et Arthur de Simorre avaient travaillé avant de monter le bar-restaurant culturel dans le Gers. La visite est également payante mais les salariées nous indiquent où se trouve le Colorado provençal de Rustrel ! Là, nous sommes servis ! Une superbe randonnée sillonne les falaises colorées du jaune au rouge, c'est impressionnant. Nous trouvons le spot idéal pour dégainer nos pinceaux, un vrai plaisir d'avoir autant de couleurs à déposer sur notre feuille !
En partant de Rustrel, nous faisons du stop sur une ligne droite à 90 km/h, ce qui n'est jamais vraiment agréable. Mais rapidement, un taxi s'arrête, Pierre-Elie court lui dire que nous n'avions pas vu que c'était un taxi, mais Marcel, lui, avait bien l'intention de nous prendre ! Nous expérimentons alors pour la première fois le taxi-stop ! A 74 ans, Marcel travaille toujours car il adore son métier ! Rencontrer des gens et conduire sont ses deux passions, il connaît ainsi l'histoire de chaque personne et cela revient pour lui à conduire des amis. Il prévoit toutefois de s'arrêter prochainement pour faire un tour de France en autogire (ULM) ! Une dernière voiture nous prend en stop ce jour là, avec un couple et un chien qui rentrent de randonnée. Ils sont décontractés et nous rigolons beaucoup car pour arrêter la cigarette, l'homme fume des feuilles de framboisiers ! Nous refaisons le monde ensemble : moins de travail et plus d'épanouissement, voilà notre programme !
Le couple nous pose juste devant le portail de Marie-Alix et nous sommes pile à l'heure pour dîner. Nous nous racontons nos rencontres respectives de la journée et philosophons encore longtemps. Marie-Alix nous raconte :
"Je n'arrivais pas à pardonner mes parents pour ce qu'ils m'ont fait et pourtant j'ai essayé longtemps. Un jour j'ai découvert grâce à une amie le "Notre père" chez les protestant : "part-donne nous nos pêchés comme nous part-donnons à ceux qui nous ont offensé". J'ai alors eu un déclic, j'ai pu leur rendre leur part de responsabilité des horreurs qu'ils m'avaient fait, et ce n'était pas de la faute de la petite fille que j'étais"
Ce soir-là nous décidons également que nous n'irons finalement pas vers le Gard, la Corse nous appelle et nous n'avons pas encore découvert tout le sud-est : nous prendrons donc la direction de Nice en passant par Digne-les-bains pour découvrir une nouvelle route. Marie-Alix offre un tee-shirt à Anouk et un bracelet à chacun, nous lui offrons une de nos aquarelles avec un petit mot et une belle écorce d'arbre des gorges du Verdon. Ces adieux sont touchants et émouvants, nous nous sentons liés profondément alors que nous nous sommes pourtant rencontrés seulement 48 heures auparavant ! Ce voyage dénué d'échange monétaire nous rapproche considérablement des gens que nous croisons sur notre route, avec qui nous créons des relations profondes et uniques.